De l’Amour Courtois


Je n’ai jamais rêvé
d’avoir le monde à mes bottes!
Toute ma vie
fut le chant d’un amoureux
qui ne cherchait
qu’à être agréable
à la Dame de ses pensées
comme le papillon
est agréable à la fleur
d’Avril!


Je n’ai désiré
qu’obtenir ne serait-ce
qu’un seul suffrage
de l’Âme de cette Dame
par des services éminents,
par la hauteur de la méditation,
par la parole
pareille à un aigle blanc
aux ailes immenses
et, enfin, par l’Amour
des Yeux!


Car j’ai toujours songé
à lire dans ses prunelles
douces et profondes
comme l’Infini
le poème de la Création
et à y déchiffrer
les idéogrammes de son esprit!


Idolâtre, certes, je le suis,
car j’ai fait
une idole de mon coeur
de ses noires iris,
de ses cheveux châtains
tombant librement
sur ses épaules
et de ses fesses riantes
comme un paysage printanier!


Mais, si je suis volontiers
Païen,
je ne suis point
Narcisse,
ayant toujours considéré
l’Amour
comme une fusée
dont le combustible
est tiré des traits
enflammés par la passion
des deux personnes
qui y sont à chaque fois
engagées!


Et, s’il y a quelque chose
qui rattache ces sentiments
à de vulgaires attachements,
c’est la satisfaction
d’avoir accompli,
dès le commencement,
mon devoir d’Honnête Homme,
voire de Galant Homme!


Et quand,
manquant à mon Idéal,
j’ai failli tomber bien bas,
l’Amour Courtois,
gloire de la Provence,
ornement du Moyen Âge,
m’en a préservé!


C’est pourquoi
je tiens cet Amour
pour supérieur
même à l’Eros platonicien,
plus audacieux que ce dernier,
plus noble,
plus subtil!


Et si je garde
de sérieuses réserves
à une condamnation totale
du christianisme,
c’est à cause des Troubadours,
ces enfants du Languedoc,
vrais chrétiens,
vrais chevaliers
et catholiques!


Ô Dame Dolente
et Indolente à la fois,
fontaine de ma peine,
jet d’eau de ma joie,
tu es un petit zéphyr
qui m’emmène vitement
au pays étranger
où les Madones
se baignent dans l’onde riche
des rivières
ombrées de palmes!


FLEUVES DE POURPRE

ENCRES VIVES. COLL. LIEUX. OCTOBRE 2000