Ode aux Saphiques Amoureuses
Ô vous, amantes de Sapho
qui avez pour noms
Atthis, Télésippe et Mégara,
et vous, ses élèves,
Anactoria de Milet, Gongyla de Colophon
et Eunica de Salamine,
puisse cette ode,
où j'ai mis mon âme et mon coeur,
parvenir jusqu'à vous,
que vous soyez dans l'Hadès
ou dans les îles fortunées!
Mes nasaux de taureau
palpitent et s'élargissent
sous votre arôme
d'ambre gris des Indes
mêlé à du benjoin de Chine,
ô saphiques amoureuses de naguère
et à venir!
Et les Dieux m'envient
de baiser vos fronts artistement bombés
à travers la lyre arachnéenne
de la fine Sapho
dont les souffrances délicates sont
comme un ouvrage de dame
où l'on passe et repasse,
en apparence au même endroit,
l'aiguille: elles se répètent
quasiment à l'identique,
et, cependant, elles ne sont jamais
les mêmes,
et, à chaque fois, elles apportent
des images nouvelles
de la terre et du monde sacré
et relèvent toutes
d'Aphrodites différentes,
d'Erycines, de Cypris, de Cythérées
et ainsi de suite!
Après l'écoulement
de plus de deux millénaires et demi,
parvient jusqu'à nous,
comme une brise printanière,
agréablement forte et embaumée,
la fraîcheur de vos amours adolescentes
et des choeurs de jeunes filles
que vous formiez sur le rivage
de Mytilène,
ville prédestinée
qui accueillit pendant un bref moment
la fleur à jamais
de la jeunesse féminine!
La Grèce ultérieure
censura vos amours
et s'apitoya même
sur votre sort d'amantes infortunées,
car non orthodoxes!
Puis, le silence vous recouvrit,
jusqu'à ce que l'Europe étonnée
réécouta le son immortel
de votre voix juvénile
et vous tressa des couronnes de violettes
et de jacinthes,
destinées à vos têtes
d'aimables jeunes femmes
bénies par les Déesses et les Dieux!
FLEURS DE LUNE
RECUEIL INEDIT. SEPTEMBRE 2005