L’Amoureuse sans Peur
ou Daphné la Fugitive


Ô toi dont le bassin est plus large
que le bassin du Pénée
et dont les flancs brillent au clair de lune
comme naguère brillaient
les flancs d’Io,
et dont les yeux sont luisants
comme les yeux d’une louve,
sois ma concubine
pour le meilleur et pour le pire!


Si je me suis attaché à toi
par des liens inextricables,
c’est que tu ne crains pas
mes baisers de trouvère
comme jadis Daphné
craignait les baisers d’Apollon,
ce musicien, ce poète,
ce dieu adoré à Claros, à Ténédos
où à Délos, à Patara
et à Delphes!


Or, tu n’as pas craint,
ô ma Reine,
non, tu n’as pas craint ma force
au point de vouloir renoncer
à la vie de femme
pour devenir un arbre,
quand même cet arbre
serait aussi noble que le laurier
dans lequel s’est métamorphosé Daphné
afin de fuir l’Amour,
cet Esculape guérisseur,
le plus secourable des dieux
que seuls les fols et les folles fuient,
lui préférant sans doute
une mort certaine,
tant est forte chez ces personnes
la propension à nier la vie
et le penchant à dénier
toute valeur au plaisir
et à son corollaire,
la Joie!


En revanche, ô ma belle cavalière,
quoique tu sois
plus rapide qu’une biche,
tu ne fuis pas ton destin
qui s’est incarné en moi,
le ménestrel,
en moi, le trouvère!


LES PAPILLONS DU SOLEIL

RECUEIL INEDIT. DU 13 AU 20 MAI 2007