La Belle au Parfum de Henné


Ô Bien-Aimée
dont les cheveux sont plus sombres
que les nuages d’orage tropicaux
dans le ciel de Siam,
puissé-je entendre dans mon rêve
tinter tes bracelets de cheville!


Oui, ce serait comme si une brise chaude
s’était levée dans l’Eden
où les belles règnent sans partage
ainsi que des paons
dans un jardin de roses!


Des idées folles me viennent:
par exemple, je voudrais teindre au henné
tes fesses douces comme le beurre
et volumineuses comme l’azur de Mai,
rien que pour sentir l’odeur du henné
se répandre sur tes flancs
qu’hier encore je labourais!


Certes, c’est le soir,
les lampes sont déjà allumées
et pour moi il n’est plus question d’amour!


Cependant, mon chant doit être
le chant d’un amoureux,
lancé comme une fusée
dans la nuit aux mille astres,
sinon qui tisserait la trame
des chansons futures
et qui confierait les secrets de l’amour
aux vierges et aux jeunes épousées
en les prévenant sur ce qu’un homme
peut attendre d’elles?


Et qui montrerait du doigt
à ces jeunes femmes
la lune qui brille
ainsi qu’un joyau dans leur sein
et qui est leur pauvre coeur?


Ô Déesses, soyez-moi favorables!
Car mon dessein est d’enrober mes cantiques
du teint mat de ces jeunes filles,
puis de les jeter ainsi que des trésors,
dont on ne connaît guère l’origine,
aux voyageurs qui transitent par ma ville
dans l’espoir que,
une fois qu’ils les auront emportés
dans leur pays,
ils y liront les mouvements intimes
de leur âme
et qu’ils accroîtront,
en les entonnant en choeur,
leur élan vital!


Mon coeur inquiet
serait de la sorte apaisé,
car je saurais alors
que mes efforts n’ont pas été vains
et que mes tropaires seront sauvés
de la rage des flots d’océan
soulevés par Saturne-Temps!


LES PAPILLONS DU SOLEIL

RECUEIL INEDIT. DU 13 AU 20 MAI 2007