À la Femme-Félicité
Tu te balances
à faire s’effondrer
les jardins suspendus
de Babylone,
à faire pousser des forêts
dans le désert de Syrie,
à faire crouler les greniers
sous la copieuse moisson,
à faire rompre les digues
et couler les rivières
ainsi que des cavales esseulées,
à faire fondre
l’airain de Corinthe,
à faire sortir
Cumes de sa citadelle,
à faire ouvrir
les conques marines,
à faire répandre
les entrailles des guitares
dans les airs,
à faire osciller
la lune d’Août,
à faire accroître
le rayonnement du Soleil,
à faire s’envoler d’ivresse
le fils de Dédale
dans le ciel du Sud
ainsi qu’un vélivoliste,
à faire déferler
les rascasses savoureuses
dans les eaux d’or
des Tropiques,
à faire battre d’émoi
les coeurs des lévriers,
à faire vagir de puissance
les lièvres
et les crocodiles,
à faire ébranler
les varangues des navires,
à faire ramper
la faune dans les fonds de mer,
à faire éclater
les nues estivales
en manne d’Israël,
à faire rouler
les pierres sur les pentes
des montagnes,
à faire briller
la veloutine des prés
de Juillet,
à faire tourner
les amphores dans les mains
des potiers,
à faire s’entrelacer
les ramées des Arbres,
à faire s’enamourer
les Poètes
et les Rossignols,
à faire ricocher
les galets dans les lacs
du paradis céleste,
et, enfin, à faire basculer
les Etoiles dans le Vide Parfait!
C’est que tu es
cette Félicité
échue à quelques mortels
et qui les pousse
aux plus grands
des faits d’armes,
aux plus longs
des Voyages cosmiques
et à la plus noble
des passions,
pareille à la maternelle Passion!
ALGUES ROUGES
EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. AOUT 2001