À l’Intrépide Maîtresse de mes Jours


Le nageoires de perche arc-en-ciel
de ta hanche
sont une Rose épineuse
qui ne me permet pas
de m’approcher de toi,
ô Solitaire et Magnificente
à la fois!
Et de me morfondre
et de languir
dans le Léthé,
si proche de la Mort!


Pourtant,
seul le pendule élastique
du bloc de tes fesses,
ce mouvement de tes pennes de femme,
te rend fidèle à Vénus
et me réjouit
en tant que Serviteur Emérite
de la Déesse Uranienne
de Cythère!


Comment t’expliquer
que l’Idéalité
n’annule point l’Amour,
ô le vil axiome
de tous les temps,
de toutes les moeurs,
que celui de l’Eros exilé,
car Idéel!


Comment te convaincre
que l’Innocence
n’est point le Défaut de Puissance
et que la Pureté
n’est pas la Fuite
mais la Conquête Suprême
de la Réalité?


Et comment te faire admettre
que la Folie
n’est point dans le Beau
mais dans le Laid?


Ô ma Percheronne superbe,
à la croupe forte
comme un muscle de tigresse
ou une tête de lion,
parfaite
comme un vase de Chine
ou un tapis rond d’Iran
ou un tissu de Lahore
et onirique
comme une pensée veloutée
ou un tamaris tendre
tournoyant musicalement
autour de son tronc
ou un olivier
à l’ombre épaisse!


Ô mon Aphrodite de Praxitèle,
aux épaules symétriques,
au pénil béatifique,
à l’ouverture des cuisses
heureuse!


Ô mon Anadyomène de Botticelli,
à la chevelure porphyrogénète,
aux yeux ardents comme le Désert
et libres comme la Lune dans la Mer!


J’essaie par des sacrifices
de blanches violettes parfumées,
qui tant te ressemblent,
de rendre propice
à mon érotique Rêve
ton Désir,
pareil à une vague s’écrasant
sur la côte de Shri Lanka,
cette Île Sainte!


Car, malgré la dureté
de bronze moderne
de ton Coeur,
tu as su garder par devers-toi
le ludisme de l’enfance
et l’adolescence du monde
et la tendreté de ton humeur égale
et qui sait, peut-être
l’Indomptabilité des Songes!


Souvent, ton insensibilité apparente
et l’inconsistance hybride
de tes propos déconcertants
m’éloignent de toi!


Mais, plus fort que la crainte du trépas,
le Sens de l’Eternité,
qu’il faut connaître
dès cette Vie,
me ramène à toi,
ô Dame d’Elche,
Phénicienne ou Grecque,
ô statuette de Cypris avec Eros et Pan!


Ô Joueuse de viole de gambe,
ne me tends pas,
je t’en conjure,
la tunique de Nessus,
comme le fit avant toi
Déjanire à Hercule
qui en périt!


Ouvre-moi plutôt
tes bras d’Hébé
sur cette Terre!


Et donne-moi à boire,
plutôt que le calice de l’Amertume,
le gobelet de l’Amour!


ALGUES ROUGES

EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. AOUT 2001