Le Sacre d’Ariane


C’est une grande affaire
que de boire le bleu
du Portique Peint du Ciel
où Ariane s’alanguit sur son tigre
dans l’attente du Destin
béni par Bacchus,
tout en secouant
son huileuse chevelure crétoise
qui donne tant d’éclat
à ses hanches blanches
comme des porcelaines
sous la gaine de soie
transparente!


Ses sourcils fuient vers la mer
par l’effet d’une légère inquiétude!


De ses ongles
couleur de satin clair,
elle se caresse la bouche bien formée,
pareille à un écusson bien forgé
où se reconnaît une antique
et noble lignée!


Son nez vertical
plonge du sommet de l’Ida
dans la caverne où les Nymphes
allaitèrent Dionysos Crétagène,
quand il était nouveau-né!


Ses narines goûtent
les saveurs musiciennes
du thym et de la marjolaine!


Ses dents
sont des chants de jeunes filles
s’élevant des demeures patriciennes
de Naxos!


De son menton fin,
montent les flammes de la none
vers ses yeux embrasés
par la canicule!


Ses cheveux noués en chignon
sont le mât de son navire
qui vient d’arriver
de l’archipel de l’Amour!
Dénoués, ils sont le bois
où le Roi Minos
chasse les biches!


Ses oreilles
sont traversées par le Choeur suave
des Astres
comme les vergers de Crète
par la brise,
peu avant l’Aube!


Sa voix au souffle continu
de Femme rebelle
est entendue au plus profond
de la Nuit,
évoquant la flexion
de son corps de statue!


Car elle épouse
les mouvements de l’air de l’été,
modeste et triomphale,
libre et universelle
comme un cygne du Ciel
ou un albatros
appareillant pour les îles stellaires
au loin des aigles
qui gravissent la montagne cosmique
se trouvant au milieu de l’Empire
du Firmament!


Car elle creuse
des grottes portant de blancs
cristaux
dans les flancs de la Terre et fait rouler
des troupeaux de génisses
sur les pentes des collines!


Son cou
est un tronc de palmier
dont la cime transperce
la voûte céleste,
y créant un Etoile Fixe!


Son dos
est l’horizon marin
au soir tombant!


Son sein virginal
est le foyer ardent
de sa tendresse chaude
de fille!


Ses reins
sont des cascades du Liban!


Son ombilic
est le sexe des fontaines!


Son pubis
est une couronne africaine
sur la tête des souverains noirs!


Sa croupe
est un fruit élégant entre tous
que les aèdes,
affamés de nourriture terrestre,
approchent,
béats dans leur circonspection!


Elle est
le plumage d’une aigrette
pendant qu’elle nage
dans l’étang sacré de Cybèle!


Elle est
le tambour royal de Babylone
que l’on fait battre
une fois par an
pour l’anniversaire de naissance
du Prince héritier!


Ses cuisses
sont des Sirènes
baignées de perles!


Ses jambes
sont le bois d’un Ormeau
poussant dans l’Ormoie de l’Âme!


Ses pieds
sont des lumières de clavecins
qui dansent dans la Nuit Magicienne!


Ses mains sont calligraphes,
composant le monde terrestre
et l’Univers astral!


Sa fluctuation
est le chatoiement caméléonien
d’une forêt d’outre-mer!


Et Bacchus
sur son vaste char
viendra sauver la Noble Dame
de l’opprobre de son abandon
par le perfide Thésée
et la conduira à l’Olympe
où il la sacrera
Nouvelle Déesse!


TROMPETTES ANGELIQUES

EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. AOUT 2001