À Ruth
Le grand fleuve
de victoire et de volupté
qui parcourt la terre entière
de ton corps
se jette dans le luth généreux
de ta gorge nue,
riche comme un plafond
de palais d’Ispahan,
comme une offrande d’ivoire
au roi du Temps,
comme un jasmin tendre
de l’aube,
comme une grenade ardente
de l’aurore,
comme une rose du matin,
comme un coeur d’amande,
comme un éclat de Sirius,
comme un saut vital,
comme un pont de Perside,
comme un jet d’eau
du Paradis
où se désaltèrent,
la nuit éblouissante venue,
les grands lions rassérénés,
comme une fontaine de vin
où boivent les cavaliers moabites
assoiffés,
comme une cime arrondie
de montagne,
comme un Etna nouveau-né,
comme une passion lunaire
où ard l’or en fusion
de l’Âme du Monde
et qui fait clore les yeux,
ces chanteurs prophétiques,
d’émotion,
comme un brasier
personnel et cosmique
où s’exhale
le coeur de l’Être,
comme une face cachée
de sphère étrangère
et parfaite,
comme une falaise sublime
de marbre blanc
contemplant l’abîme de lumière,
comme une nef capitane
mouillée dans le port d’Alexandrie
et arborant la bannière
du Prophète,
comme un hymne d’amour
faisant tourbillonner
la Méditerranée,
de la mer d’Espagne
jusqu’à la mer d’Alep,
dans un miroir rond
ourlé d’anges,
comme la coupole
d’une basilique cathédrale
dédiée à l’Annonciation
et trônant dans l’azur supérieur
où planent les faucons
de la joie,
comme un Eros ailé
dont le symbole est le Soleil
et dont les flèches terribles
sont destinées aux seuls
Purs,
et, enfin, comme un groupe de biches
formant, dans une forêt de diamants,
un demi-cercle
de Beauté!
Ô Ruth, pétale d’or,
barque de rubis,
île de corail,
saphir de la mer Rouge!
Tu es l’olivier,
vert éternellement,
de l’espérance de Booz!
Tu es le cadeau de Dieu,
le printemps des générations,
le sel des heures, la tension de la chair,
la douceur de la Résurrection!
PALAIS DE RUBIS
EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. JUILLET 1999