À la Chaleureuse
La prison de tes lèvres
est une fleur mahométane,
écarlate du sang de Rodriguez
à jamais versé
au nom du Prophète,
et dont se repaît
l’aigle royal des Pyrénées,
né de la lumière
du premier matin
du monde,
dans la gloire des Essences!
De ce repas des noces
des Ténèbres
avec les Soleils,
surgit la guitare de palme
répartissant les volumes
de l’énergie spirituelle,
comme une nef
divisant les flots innombrables,
portée par le vent marin,
avant de pénétrer
dans le port de l’Eternité
où l’onde dort
entre les clochers en spirales
et les palais baroques
couronnés de rossignols
dont les mélodies
montent dans le ciel
et se brodent
en lettres d’or,
parmi les étoiles saintes,
à droite du Seigneur
comme des paroles christiques,
pour en redescendre
sur la glèbe
comme des ravins
engendrés par la chute
des comètes
ou les coulées de bronze fondu,
comme des fleuves d’oliviers
aux affluents de lauriers-roses,
comme des torrents
d’oeillets andalous,
comme des rivières de roses
de pourpre,
comme des ruisseaux de jasmins,
comme des avenues d’orangers,
comme des cours de citronniers
et des lacs de myrtes
ou des fontaines de jacinthes
et des jets de narcisses
dans des patios de nard
y murmurant de frêles
chansons!
Ô Nymphe enflammée,
ô ardente maîtresse,
des torches
à la flamme de rubis
jaillissent de tes ongles
peints avec toute la passion
de la coquetterie féminine,
des torches et des flambeaux
éclairant le chemin
des Sages
vers le Paradis terrestre,
Cyrène ancienne
ou nouvel Eldorado!
Mais de tes ongles parfumés
jaillissent aussi
des piliers de porphyre
qui supporteront le futur
Temple de Jérusalem,
des eaux mirifiques
où les gazelles viennent
contempler leur douce
image,
des miroirs magnifiques
où vont boire la connaissance
les anges qui y sont préposés,
et,enfin, l’ombre sous laquelle
reposent les taureaux
de leurs luttes diurnes,
le nuage de pluie
planant sur la Terre
craquelée par la sécheresse,
la grande Lune d’été
où se baignent les amants
et la bague de fiançailles
dont s’orne la Parole
ou le pont d’os
arc-bouté dans les cathédrales
gothiques!
Car tes ongles
sont ces poissons extraordinaires
que prennent les pêcheurs
cosmiques
dans la mer nocturne
de l’Infini!
Ô Savante,
ô danseuse,
la haute science
et l’ardeur de tes orteils
ajoute, à la félicité de ton corps
exempt de tourments,
l’icône d’un âtre extravagant
qui jetterait des flammèches
vermeilles!
Ô Infante enjouée,
ô Reine triomphale,
ton regard en coin,
malicieux et tendre
à la fois,
est inondé de joie humaine,
transmutée en divine
allégresse!
Ô Chaleureuse Princesse
et Fiancée de nos voeux
réunis,
dans tes bras,
qui soutiennent la délicieuse charge
de tes épaules d’ambre
et sont pareils
aux bras de la grande
et antique Cybèle,
tu couves la Lune
Pleine,
et dans ton ventre
de Marie
tu portes la Terre
dont tu accouches
comme d’une enfant
fantasque, bleue,
inconsciente et sublime!
Sacrée de ta conscience
aux rayons merveilleux,
elle devient
cette existence nécessaire
à Dieu,
pain, sel, et vin
de chaque jour,
et cette matière
dans laquelle Il réalise
sa Pensée
et dont Il s’exalte
comme un Arbre chevaleresque
exulte du plus superbe
de ses fruits!
PALAIS DE RUBIS
EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. JUILLET 1999