La Nymphe d’Avril


Sous le front bombé
de la Nymphe des eaux
des Fontaines,
à travers la richesse de sa chair
cosmique,
mille coquelicots transparaissent,
mille commencements de lilas,
mille ciels de Soleils,
mille mers à l’élan majestueux
aimantées par la Lune
royale,
mille extase de crapauds,
mille arbres
aux noeuds de galaxies,
mille épopées de roses,
mille chevauchées impériales,
mille campagnes de léopards,
mille sphères
de nuits divines,
mille tourbillons de nues,
mille paroles jaunes
flamboyantes,
mille vents d’amandes,
mille Judées rachéliennes,
mille Samaritaines
portant des jarres d’émeraudes,
conversant
assises sur la margelle des puits,
par elles lissée,
mille jeunes Basquaises
amoureuses de leur azur
natal
et des pelotaris
aux bras bleus,
mais attentives aussi
aux bertsolaris
grands de leur antique
langage,
mille brunettes Andalouses
montées sur des fringantes
pouliches
des fêtes magnifiques
et vivaces
du Printemps du Sud,
mille Portugaises
pleines de la folie du Tage
et de l’Atlantique,
égrenant nerveusement leurs chapelets
de perles noires
dans les églises manuélines
ouvragées de main d’ange,
mille Méknèsiennes
au visage modelé
par l’Afrique Génitrice
des humains,
rêvant devant les zelliges
pénétrants comme l’Amour
de leur sein endolori,
mille vierges Tolédanes,
peintes par le Greco,
aux yeux assombris de crucifixions
et retenant à grande
peine
leurs larmes résurrectionnelles,
mille filles
de la province d’Oriente
aux lèvres pures,
qui se parfument d’huile,
en attendant sur le rivage
qu’émerge des flots innombrables
Saint-Vincent,
le Dompteur d’Ibérie,
mille nobles
Provençales
arborant le blason douloureux
de Mireille,
délirante princesse
du félibrige,
et s’adonnant aux rondes
courtoises
que préside Stéphanie la Troubadouresse,
mille Bretonnes
aux cous de cygnes
et coiffées de planètes,
contemplant les nefs fières
pavoisées aux couleurs
de la Table Ronde,
mille Siciliennes
aux regards de miel
d’Hybla,
dansant dans le port de Syracuse
la dans de l’Etna
au milieu des astres
en feu,
mille Madrilènes
aux fortes croupes
et aux bouches peintes
de couleurs vives
comme l’étendard
du couchant,
se balançant profondément
dans l’avenue de la Castellane,
à Madrid, reine
des Espagnes,
mille Catalanes
aux prunelles soulignées
d’obscure passerose
faisant chanter
les feuilles sèches
sous leurs bottines de velours,
dans le Paseo de la Gracia,
à Barcelone, la méditerranéenne
Reine,
mille filles de Kabylie
douées d’extraordinaire beauté
et parées d’or et de jasmin,
adressant des prières,
dans les chemins de poussière,
aux dieux berbères
que le Prophète farouche
ne vaincra jamais,
mille Parisiennes du Port-Royal
clavecinant
de leurs mains
affinées par la passion
pascalienne
et allongées
par la ferveur
jansénienne,
mille Allemandes
Leipsigeoises
parant avec leurs voix
ascensionnelles,
mais calmes et douces,
le col de l’Univers
de cantates de l’Ether,
mille Toulousaines
penchées sur la Garonne
du haut parapet
de leur être,
où voyagent des navires
rapides comme des flèches
jusqu’à Bordeaux,
la Ville capitane
de Gironde,
mille dames Anglaises
de Brighton,
désapprenant les travaux
de leur naturelle
cruauté
au contact du Gulf Stream
qui merveilleusement nourrit
leur peau fragile
des saveurs du Mexique,
mille Colombiennes
que leurs joues,
caressées de la lumière lutine
du jour,
font entonner des antiennes
bouleversantes
offertes à Marie,
Mère du christique
Eros,
mille Argentines
aux élégantes cambrures,
enfourchant de leurs cuisses
de braise
les rameaux les plus longs
de la danse métisse
et mondiale,
mille Américaines
sollicitant de leur poitrine
riche de pierres fines
et de leur rauque inquiétude
la dévotion des princes
de la Vie,
mille Cubaines
s’abandonnant aux délices langoureux
du déhanchement
ou pleurant de joie
d’ambre
sous le souffle paradisiaque
venant des champs de canne
à sucre,
mille Mexicaines
créoles
dissimulant dans leurs songes
les plus valeureux,
l’Amour qu’elles ont trouvé
un après-midi
dans un parc
près du Pacifique,
tout en remerciant
de leur coeur imprenable
l’Indienne Malintzin
pour son bienfait d’un jour,
d’un crépuscule,
mille, enfin, fiancées
Nipponnes,
vêtues de blanc,
à la taille de pinceau,
idolâtres adoratrices
de cerisaies en fleur!


Car innombrables sont
les apparitions
et inépuisables les théophanies
de l’Auguste Maîtresse des fauves,
notre Terre-Mère,
et Mère du ciel!
Et dans le corps
des épousées aquatiques,
ses dignes avatars,
se cache une croix,
brodée d’argent,
d’oriflamme éternelle
et un coeur y bat,
de pourpre de guitare
baignant dan son sang
d’où demain jailliront,
victorieuses,
les tulipes de Mai!


Longue vie aux fleuves
du Renouveau!
Belle Eternité aux lacs
de la célestielle
Paix!
Légèreté et puissance
au Verbe divin!


Et que d’amples Voies
conduisent l’homme
aux platanes de la liberté
dont l’ombre est salutaire!
Car, non loin de là,
les canons de cerisiers
s’échangent contre les fleurs
d’oranger!
En vue de noces contrapunctiques
dont se prévaloir,
est notre sublime dessein
de Vie,
commun à tous!


CALECHES D’ AZUR

EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. DECEMBRE 1999