Le Champ de Coquelicots


Je suis un champ de coquelicots
né à l’aurore triomphale
de la Saint-Georges,
quand les rossignols
voyagent dans le ciel
musical,
sous la Lune mourante,
parmi les âmes des Sages
et les houris,
dans les rivières de miel
et les lacs de lait!
Ou quand ils perchent
aux cimes des pommiers
de la Connaissance!


Etendu à côté de la mer
dans la position du rêve,
ce champ unique
songe aux mouettes
parties du coeur des humains,
aux oliviers à l’abandon,
aux citronneraies voluptueuses
et aux jeunes filles amoureuses
dansant comme des guitares
dans l’Alhambra,
chantant comme des violes de gambe,
évoluant comme des harpes,
marchant comme des daines
jouant entre elles
comme des eaux vives,
faisant leur toilette
au milieu des asphodèles,
se coiffant devant les miroirs
des étangs
sur les petits ponts
d’agrément,
se parfumant de roses,
s’habillant de satin rouge,
s’agenouillant devant les prie-Dieu
de jaunes marguerites,
se couronnant de rameaux
d’oranger,
se mariant aux pins
en fleur,
s’envolant sur des tapis
de soie
ou se faisant enlever
par des calèches d’azur
sur des chemins
pavés de palmes,
traçant des cercles dans les airs
avec les volants
de leurs jupons,
frottant leurs hanches
avec les branches des peupliers,
formant des choeurs
circumambulants
autour des autels végétaux,
hésitant de leurs regards
émus
entre les cascades
venant des hauteurs
cachées
et la pluie vernale,
et disparaissant, enfin,
dans les platanaies
profondes!


Ce songe éminent
de coquelicots
épanouis sous le Soleil
de midi,
trouve sa justice
dans la terre
du Printemps
et son antiquité
dans les contes
de leurs prunelles,
pareilles à des papillons!


Car immense est la Pensée
des coquelicots
pénétrant l’épaisseur
des Mondes
de leurs yeux éblouis!


CALECHES D’ AZUR

EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. DECEMBRE 1999