La Nuit d’Amour


C’est en vue de la Nuit d’Amour
sauvage et merveilleuse
que les guitares sublimes
de la mer
se perdent dans la brume d’améthystes
du printemps,
que le rivage d’Espagne
s’étire voluptueusement
comme un tigre dompté,
que la brise baise les tamarins,
que les roses s’épanouissent
comme des ciels de Ceylan
ouverts,
que les citronniers d’Andalousie
chantent de leur gorge
de violon,
que les pins d’Occitanie
descendent vers la main
de Dieu,
que les jardins suspendus de Babylone
regardent le paradis
et nourrissent les rossignols
éperdus,
que les prairies d’Avril
s’emplissent de luths,
que les rivières de lait
s’élancent dans l’azur,
que les genêts bondissent
comme des juments alezanes
s’ébrouant dans un ruisseau
du Liban,
que Zanzibar épouse
l’Arabie,
que la Corne d’Or
reçoit l’Asie,
que Fez s’empare
de Grenade,
que les émirs du Prophète
se ruent sur Séville,
qu’Acapulco pille
le trésor aimable
de sa baie,
que l’océan bâtit
le temple des mille dieux
à Maduraï la chatoyante,
l’Unique,
que le Soleil se contemple
dans son propre couchant,
que les topazes bleues
embrasent l’Univers,
que les nacres blanches
habillent le Sud
de l’Orient,
que les étendards
de diamants jaunes
flottent sur les citadelles
de Byzance,
que les filles
de la Lune
gardent les prunelles mi-closes,
appelant l’éblouissement
de l’extase,
qu’Aphrodite naît de l’écume
comme une coquille précieuse,
qu’Astarté la Syriaque
ressuscite l’adolescent meurtri
en Adonis le Pacifique,
que les toits de palmes
font le lit
de la gloire,
que les figuiers d’Attique
préparent leurs plus beaux
fruits
dès le mois des fleurs,
que les pampres verdoyants
rêvent de rouges
raisins,
que les blés se lèvent en Juin
dans la paix de Cérès,
que les oliviers de Mai
pensent aux olives
de Novembre,
que les lilas
égrènent des hymnes
à la Belle Joie,
que les lys deviennent
géants
de par le germe vigoureux
qui les pousse
vers les cimes,
que les femmes
aux épaules dénudées
peignent des myrtes
dans les nues,
que le sang des étoiles
bouillonne dans les veines
des Troubadours Courtois,
que l’Italie pavoise
aux couleurs des Deux-Siciles,
que les pêcheurs
se jettent dans les cycles
marins
et qu’enfin les Sirènes
s’arrondissent en leur milieu
argenté
qui s’enorgueillit
de créations sonores de Vie!


Car la Nuit d’Amour
est une grande place ronde
où ondulent
les orangers en fleurs
et fusent comme des comètes
les voeux de la Nature!


Car elle est
une nef ivre
naviguant dans l’archipel
des amandes,
cible mouvante
et ultime
du Désir des hommes
la visant depuis le Continent des émeraudes
de leurs yeux pareils à des flèches!


DUNES DE BRAISE

EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. DECEMBRE 1999