Ode à Ariane


Ô Instauratrice des jeux de saphirs!
Ô Préservatrice des nues!
Ô Restauratrice de l’azur!


Ô Bâtisseuse de villes,
tu bâtis, tu détruis,
tu rebâtis
en un cercle infini
de folie d’Amour!
Sybaris, Golconde
et tant d’autres par le monde
émérites Cités
disparurent pour avoir blessé l’univers
de beauté,
pour avoir sacrifié
à la volupté,
mère de l’art d’aimer,
pour s’être adonné
au loisir,
générateur de bonté,
pour avoir été gouvernées
par la musique des nombres!


Certes, tu as toujours béni
la démesure
et toute destruction
n’est que l’oeuvre de démons,
ennemis des dieux!
Tantôt, c’est l’orage de lourdeur humaine
qui s’abat
sur l’ordre supérieur
inspiré par le plaisir!
Tantôt, c’est la colère aveugle
des éléments
qui afflige une défaite
au Cosmos,
cet ornement de l’Être!


Pourtant, les hommes
t’ont toujours accusée
de cruauté,
toi qui es la part lumineuse
de leur âme,
leur Soi mathématicien!


Et ils ont construit
leurs tragédies
dans la vénération,
mêlée de crainte,
de Bacchus,
ton terrible époux,
frère tellurique
des taureaux,
gendre panique
des boucs,
père des sarments,
donateur du lierre!


Or, moi, porteur de la parole
olympienne,
je proclame
et j’affirme
qu’il n’est l’instigateur
d’aucun crime,
pas plus que Toi,
ô Soeur des perles,
ô Mère du parfum
des roses,
ô Lune des jasmins
ô Orgue bleue des vents
propices,
ô Génitrice des géraniums,
ô Soleil
de la mer des essences!


C’est la Terre
qui dans l’ombre de son sein
est porteuse de meurtre!
Ce sont les mortels,
ses fils et ses filles,
qui ont introduit la Discorde
dans la Vivante Harmonie
et qui ont élevé
la Haine immonde
au rang de Preuve
de l’infrangible Destinée,
de la transcendante Diké,
de la divine Luminosité
et de l’uranienne Prescience!


Car l’obscurité
est leur Aïeule,
les typhons astraux
leurs jumeaux!


Mais toi, ô Immortelle,
tu survis
même aux explosions
des étoiles
ou tu renais
de surprenante façon,
car tu es apte aux métamorphoses,
comme Dionysos,
le Toujours Sacrifié,
le Toujours Ressuscité!


C’est pourquoi,
ô Reine des sphères,
je t’adresse cette Ode,
issue de mes entrailles,
afin que tu pardonnes
ce déni d’Intelligibilité
qui te frappe
du fait de la cosmique
et humaine
Désespérance!


Et permets-moi
d’espérer
qu’à nouveau
tu te dresseras
dans la future
Babylone,
comme une explosion,
cette fois,
de radieux rubis!


DUNES DE BRAISE

EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. DECEMBRE 1999