La Vierge Océane


Tes ailes d’albatros,
immenses et angéliques,
couvrent l’Océan de tes hanches
d’une ombre
teintée de sang de rose
qui vient de ton rêve
d’être désirée,
de ta passion d’aimer!


Cette fièvre d’Amour
faisant bouillonner tes veines,
c’est le Soleil de tes mers
australes
où, impavide comme une baleine
que les marins auraient enchaînée
dans les vents,
tu te débats
entre ors et rubis,
améthystes et émeraudes,
récifs et coraux,
afin de ne pas être
engloutie par l’abîme
qui est la mort de ton corps
délicieux!


Offerte comme une source
à la chaleur du Jour
d feu
et à la fraîcheur
de la nuit de Lune,
tu induis la volupté
des hommes
qui voient en toi
une mère accueillante
et profonde
où se reposer momentanément
des jeux et des travaux
et une plaine
non encore blessée par les labours
où livrer la bataille suprême
d’Eros!


Et ils s’engagent
dans ton sillage
montés sur des Pégases
comme Persée
à la recherche
de son amante,
ou vainquant des monstres
stymphaliens
comme Hercule,
l’époux de la Jeunesse
éternelle!


Car ton cosmique mouvement
accorde flux et reflux,
Soleils et planètes,
cimes de montagnes
et vallées encaissées,
fleurs et blés,
indigos et jacinthes,
cotonneraies
et cultures de pavots,
poissons robustes
et oiseaux vigoureux,
dauphins légers et graciles
et taures lourdes et majestueuses,
éléphants lents
et loups de mer rapides,
barques et galions,
caboteurs et paquebots!


Ainsi, mouvante comme les sables
du Désert
et les nuées de Printemps,
comme les ruisseaux débordants
et les rivières en crue,
et mobile comme les papillons
et les abeilles,
les lions et les aigles,
les cavales et les faucons,
tu attires vers toi
les beaux mortels
qui, pour ta face de bronze
et ta taille de roseau
et ta voix de coquillage
de mer,
s’élancent intrépides
dans le ciel
comme des marées d’argent
furieusement combattant
géants et héros,
dieux et titans!


C’est qu’ils se battent
pour Troie,
la Ville imprenable,
la Ville à prendre,
et pour les splendeurs
de ton Amour,
ô Vierge,
ô Courtisane!


DUNES DE BRAISE

EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. DECEMBRE 1999