À la Dame de Beauté
Je suis toujours
dans l'état de stupeur
où m'a jeté cette après-midi
la vision d'une jeune dame
de haute stature,
au flanc élyséen,
au visage d'amour
rose et blanc
comme une poire de verger thrace
et frais comme une pomme du Pélion
non encore cueillie,
encore sur le rameau!
Un parfum abondant et subtil
se dégageait de sa chair,
pareil au bouquet délicat et fruité
d'un vin délicieux de Lesbos!
Ce bouquet était accentué
par son sein qui sentait la neige
qui vient de tomber au paradis
et par la nature de sa salive
limpide comme l'eau
qui vient d'une neige fondue de montagne!
Ses cuisses puissantes et fines
étaient des réverbères
de la place de la Concorde,
à Paris la Marmoréenne,
et ses jambes les Amours
du pont Alexandre le Troisième!
Ses prunelles voluptueuses et vives
étaient les torches
de ces flambeaux
dignes du règne de Louis-Philippe!
Et moi je me sentais vaillant
et glorieux comme un amiral victorieux
dont le plus grand
et le plus élégant
et le mieux armé des vaisseaux de guerre
fendrait en ce moment même
les flots écumants de la Méditerranée,
avec tous ses canons de bronze
pointés contre l'ennemi
et avec toutes ses voiles déployées
et portant, flottant sur la proue,
le pavois du Roi!
Et je me croyais
un armateur heureux
dont la flotte régnerait
sur tous les océans du Sud!
J'étais d'autant plus
enivré de sa capiteuse personne
que je devinais sous son pantalon
son mont proéminent de Vénus
et la rote sauvage de sa vulve,
cette gemme constellée
des acanthes de ma passion!
Ce qui était le plus extraordinaire
dans la situation où je me trouvais,
c'est que cette Déesse
d'entre les Déesses,
cette Reine des reines
courait, courait comme Atalante
et court encore
dans les prairies d'asphodèles
et de primevères
et de narcisses
de mon esprit
et autour du nymphée de mon coeur
où poussent les nymphéas
tant célébrés
de l'amour immortelle
comme les nues merveilleuses et dorées
d'une après-midi d'automne!
LES ACANTHES DE LA PASSION
RECUEIL INEDIT. OCTOBRE 2005