Ode à Vatravati


Ô ma Bien-Aimée, ton sein
chaud comme le sol bengalais
m’enseigne la vérité de tes sens
et l’authenticité des chants d’Umapatidhara,
de Carana, de Gondharva, de Dhoyin
et de Yayadeva,
ces aèdes qui brillèrent naguère
à la cour du Roi Lakshmana Sena
et apposèrent leur sceau impérial
sur la poésie du monde,
née en Inde
et actuellement revenant vers elle,
comme une fille prodigue
revient vers sa mère restée jeune,
afin de lui confesser ses fautes passées
et de lui faire partager ses espérances
de jeune femme dont le coeur
brûle de plaisir,
malgré son désarroi
et nonobstant son désespoir passager!


Or, tous les aèdes,
tous les poètes aspirent à te connaître,
ô Bengale, pépinière immortelle
d’artistes enflammés
descendant jusqu’aux profondeurs
dernières de l’Être
comme aucun autre peuple
ne l’a fait par le passé
et ne le fera sans doute
dans le futur!


Ô Vatravati, fille sage
et folle à la fois,
en toi je retrouve toute la passion
du Gita Govinda,
ce Cantique des cantiques bengalais
où sont consignés
tous les jeux de la Volupté
la plus entière
entre Radha, cette amante éternelle,
cette femme de coeur
et le jeune dieu Krishna
dont sont éprises
seize mille bergères indiennes!


C’est que tu es de ces dames
que, dès qu’on les voit,
on les aime
et l’on se sent en leur présence
comme en la présence chaleureuse
d’une chatte faisant patte de velours
et qui ronronne, enroulée sur elle-même,
au milieu d’une douce pénombre
et sur un sofa plein d’abandon suave
aux choses et aux êtres!


Ô jeune fille, comme ta croupe,
ce monument de lascivité,
se balance sous la soie de ton sari rose
et comme elle brise ainsi qu’une mer
sur le récif corallien
de tes cuisses fermes et rondes
ainsi que les piliers d’un temple hindou!


Oui, tu es de ces jouvencelles
qui se donnent sur-le-champ,
sans calcul, sans arrière-pensée,
en avouant sans détours leur amour
à l’homme sur qui elles ont jeté
leur dévolu
et prennent donc tous les risques
et courent tous les périls,
y compris le péril de sombrer,
de périr!


Ô Vatravati, ma tendre amie
et mon bonheur le plus rare,
puisses-tu vivre toujours ainsi,
en raffermissant tes seins
avec du suc de framboises vertes
et en répandant sur ta chair
une poudre de santal du Cachemire!


YEUX DE LOTUS

RECUEIL INEDIT-DU 21 AU 30 JUIN 2007