Chant Lyrique de l’Espérance


J’ai toujours fui
la mer, le soleil!


Car l’ennemi
que je nourris en mon sein
m’a depuis toujours
relégué dans l’île
de la Séparation,
dans l’île rocheuse
de Thanatos
et du Léthé,
loin de l’astre
de l’Amour!


Là, il me fait miroiter
la richesse des aurores
de l’Arrogance,
le faste des couchants
de l’Orgueil,
la brillance des nuits
de la Désespérance,
la profondeur des rêves
de l’Amertume,
l’extravagance des soleils noirs
de la Liberté,
la sérénité de la contemplation
de l’Infini,
la hauteur du Destin
supérieur, car unique!


Mais l’or de l’arrogance
est un charbon éteint
ne donnant pas
plus de feu
qu’un arbre calciné!


La pourpre de l’orgueil
est artificielle
et déteint
dès le matin venu!


Le jais du désespoir
n’est qu’une hiémale nuit
sans Lune!


L’azur de l’amertume
aisément se dissipe
comme rognure au vent!


Le soleil sombre
de la liberté
est un néant
intangible et immatériel
comme les anges déchus!


La sérénité infinie,
conçue comme un sacrifice
douloureux et volontaire,
tourne rapidement
à la déshérence!


La haute destinée
légitimée par la solitude,
s’avère une torture nullifère,
le spleen de la destruction!


Et cet ennemi mien,
négateur du Bien souverain
mais revêtu de la toge
de l’autorité
et des insignes
de l’amitié de soi
véritable,
est un ange faux,
un ange usurpateur
et abuseur,
le messager des Parques
hostiles,
mon double mortuaire,
le squelette
de ma défaite!


Pourtant, ignominieusement
entraîné par lui,
j’ai toujours,
avec une sincérité
de prunelle bleue,
rejeté comme innécessaire
les promesses innocentes
de l’Eros,
et j’ai toujours piétiné
comme une fleur méprisée
le sourire de la très Chère,
de l’à jamais
Aimée!


Rebelle contre le Soi divin,
j’ai toujours dirigé
mes séditieuses flèches
assassines
contre moi-même!


Et j’ai toujours fui
la mer, le soleil!


En vérité, je vous le dis,
il n’est de Félicité
qu’une,
celle du Monde Un
et non séparé
en parcelles disparates,
et il n’est de Beauté
que celle, magnifique,
de l’univers pensé
comme une sphère parfaite
où tout,cependant,
garde son dessin
et son parfum originels,
où tout est bas
et tout est haut!


Ne niez rien,
affirmez tout!
Ne gardez rien
pour les hiérarchies
mensongères!


Allez avec la mer,
aimez le soleil
en son Or vrai!


ORIFLAMMES DE GRENADE

EDITIONS ENCRES VIVES. COLL. LIEUX. JUIN 2000