Ode à la Mère de Dieu
La vie en toi bondit
et sursaute et frémit
et chante et célèbre
la venue au monde
du Fils de l’Homme,
au milieu des danses
des séraphins ascendants
et descendants
et des passacailles
chérubiniques!
Dès que le coeur
du germe en toi déposé
s’est mis à battre,
les cieux se sont ouverts
et une larme a coulé
en leur centre lumineux,
signe de la cosmique émotion,
comme si le monde,
s’inquiétant des nouveaux chemins,
anticipait la souffrance
et concluait à la gloire
de la joie à venir!
Et toi, omniprésente
et lasse,
belle et fatiguée,
tu te reposes
en ta Sphère,
rêvant de la création
des univers!
Ou tu chemines
calmement
et mélancoliquement,
tenace et pacifique
et fragile et saine!
Tenace et obstinée
comme une conscience,
comme une connaissance
des périls futurs
et du karma à expier,
rassérénée
et espérante
comme l’esprit immanent
de la maternité!
Ta peau, en des temps
plus cléments,
foyer d’espièglerie,
de coquinerie, de malice,
de câlinerie
et de galanterie,
devient un lac
de l’abondance,
une source de la bonté,
une fontaine de la profondeur!
Ta voix,
portant haut
les couleurs écarlate
et orange
du Désir,
se transforme en une rivière
lisse et douce
et grande comme un Magnificat!
De la jeune fille
à la Théotokos byzantine
et à la Madre de Dios andalouse,
il n’y a
qu’un seul pas,
que toi, téméraire
dans ton élan,
tu franchis allégrement,
romainement,
hispaniquement!
Si immaculée
fut ta conception,
virginale aussi
est ta volonté de donner,
comme la rose au pampre,
comme la liane à l’arbre,
comme le lierre au platane,
comme le blé au laboureur
et comme le maïs au soleil,
en subissant l’éclatement
de tout ton être,
et, plus tard,
le crépitement
de l’aurore magnifique
qui sourdra
de ton sexe immense!
Car tu es l’Arche
où sont gardés
tout l’ambre de la Terre,
tout l’ivoire de l’Afrique!
Tu es l’écrin
scintillant de toutes les perles
de la mer!
Tu es la cassette
composant les colliers
de diamants
des reines du Bel Amour!
Tu es le coffre
où tout l’or de l’Âme
luit comme l’Espérance!
Tu es la jarre
où est conservée
l’eau de tous les fleuves!
Tu es le vase
où est contenue
la sagesse vivante!
Tu es le grenier
où sont emmagasinées
toutes les moissons
de l’homme!
Tu es l’étable
où dorment paisiblement
les taureaux,
réconciliés avec la Nature!
Tu es le colombier
accueillant toutes les colombes!
Tu es la caverne
où jouent les ombres
des Astres démiurges
avec les ombres
des stalagmites!
Tu es la cathédrale catalane
sur le parvis de laquelle
la Cité de Dieu
se livre à la sardane,
cette frénétique farandole
de tout le peuple béni!
O Mater!
O Madre!
Ô Mère!
Ô Mother of God!
Tu es la fille de l’Ether,
la Génitrice des Soleils!
Par l’aura
illuminant ta face,
tu donnes libre voie
aux lamentations
des femmes et des hommes
sans amour,
et tu portes les prières
des lys esseulés
aux cimes inaccessibles!
Et ta Matrice
est l’Antre
que hante
le Christ,
l’Aimé des Gitans,
l’Aimé de sa mère,
l’Aimé de Marie-Madeleine!
ORIFLAMMES DE GRENADE
EDITIONS ENCRES VIVES. COLL. LIEUX. JUIN 2000