À Celle qui Vient


Tu entres dans ma vie
comme une nef auguste
entre dans un port immense
et abandonné,
comme un cygne
plonge dans le lac
de la Beauté,
comme une oriflamme
inaugure le vent brûlant
venant des dunes ondoyantes
du désert,
comme une calèche d’or
pénètre dans le jardin
d’un château enchanté,
comme une plume frémit dans la brise
d’été,
comme un pin
bruit dans l’azur,
comme un diamant
fait ressentir son éclat
jusque dans le coeur,
comme le fleuve d’agates
déchire la Sicile,
comme la tour
où résonne le clavecin
atteint la Lune,
comme la voix de rossignol
s’élève dans l’éther,
comme la mer
danse de ses courbes lasses
dans les yeux de l’albatros
qui la saisit,
comme le rubis
bondit dans le vin,
comme la pourpre
nourrit le couchant
et la topaze
l’aurore,
comme le Soleil
dissipe la ténèbre
et baise l’ombre
au grand midi,
comme le parasol
de pierres précieuses
s’ouvre par-dessus la tête
du Roi,
comme le feu inextinguible
de la passion
envahit le cratère
de l’Âme,
comme la liberté
illumine les lèvres pures
du Trouvère!


Et ton être pur
se présente à moi
comme une perle
pêchée dans le tréfonds
du Golfe Persique,
comme une nue blanche
enlacée par les prunelles émerveillées,
comme un blé
embrassé juste avant
la moisson,
comme la caresse
donnée par un grand fauve,
comme le frôlement
d’une aile de colombe,
comme le toucher d’un colibri,
comme le tressaillement des nerfs
au passage d’un flamant,
comme le chant d’alouette
au matin bleu,
comme un péché d’enfant,
comme une Vierge de l’espérance
accordant la grâce
à un Fidèle,
comme un tourtereau câlin,
comme l’apparition d’une chapelle
sur un chemin poudreux,
comme la vision
des anges du Paradis,
comme le miel
d’un après-midi de Juin,
comme un bain de jeunesse
de la poitrine endolorie,
comme le doux zéphyr
de l’Amour,
comme la Palingénésie
des sens!


Car tu es celle
qui vient et qui s’en va,
construisant ici,
brisant là,
dans le mouvement incessant
du Devenir!


ORIFLAMMES DE GRENADE

EDITIONS ENCRES VIVES. COLL. LIEUX. JUIN 2000