Le Souvenir


Ton souvenir
est une tarentelle de la Saint-Jean
tournoyant en moi
de ses mille castagnettes
de fer, d’argent,
d’or, de cuivre,
et de châtaigne,
comme un rubis lancé
dans un lac
calme et chaud
où il ricocherait
à l’infini!


Tenace
et fébrile,
il me brûle tout entier,
comme la flamme solaire
fait fondre la neige
d’une cime élevée,
comme la canicule
consume la rue,
comme le solstice de l’été
emporte dans sa course éloignée
tous les champs de blé
et propage dans le ciel
le rire de toutes les plantations
de maïs,
comme le simoun
fait ployer
le guerrier du grand djihad
dans le désert aveuglant,
comme le brasier
fait crépiter de langueur
le chêne de la voyance,
comme l’âtre de Décembre
illumine de ses flammèches
le front de l’homme,
comme l’Astre
de la belle saison
fait briller le corps,
comme l’éclair
ravit le peuplier,
comme la foudre
surprend l’érable,
comme la daine,
par son parfum entêtant,
tout proche
fait palpiter
le coeur du daim
jamais chassé,
comme la biche
aux prunelles longues
désarme le cerf
lourd de ses cornes monumentales,
comme la lionne
hurle après le lion rugissant,
comme l’oiselle du cygne
rend fou
par sa nudité
l’étang où elle se baigne
et le fait miroiter
de ses rayons
de planète émergente,
comme le hennissement
de la Centauresse
fait se rassembler
la toute en émoi
force du Centaure,
comme le buccin d’Artémis
fait frémir
les troupeaux de chevaux sauvages,
comme le cor de chasse
fait bondir les chevreuils,
comme le connil grassouillet
se rend visible
au lévrier stupéfait,
comme la nymphe
entraîne le satyre
dans la poursuite
du Souverain Plaisir
et du Suprême Bien,
comme l’étoile
attire le Barde
dans l’Intuition Primordiale,
comme l’azur
appelle le Poète,
comme la palme d’Afrique
invite les nues
et les dieux
à descendre sur la Terre
bleue,
comme, enfin, le cheval d’orgue
convoque la Lune
afin de partager avec elle
le Paradis!


Et je regrette
ta gloire d’un Juin
unique,
comme en hiver
on regrette la balustrade
regardant le laurier blanc
ou au mois de la stérilité,
la joie indescriptible de la moisson!


Ainsi va le monde,
entre zénith
et nadir,
à la fois naissant et mourant!
Que l’Âme cependant
se rassure!
Car il suffit d’un instant
à l’Eternité
pour qu’elle fasse
de l’être humain
un Miracle
à jamais!


ORIFLAMMES DE GRENADE

EDITIONS ENCRES VIVES. COLL. LIEUX. JUIN 2000