À l’Amante Espiègle


Quand tu ouvres tes ailes
de palombe,
je pénètre un ciel
immaculé,
vibrant et jubilatoire,
où toute épaisseur
est d’avance conquise,
car liquide!


C’est autant
de sources de miel,
de fontaines de vin,
de lacs de lait,
de ruisseaux ombreux
où les clavecins coulent
en des sonates intarissables,
de fleuves de flûtes
invincibles
dont Bach est le coeur
et Dante l’esprit,
de cataractes de trompettes-foudres
comme des Magnificat
sous un double arc-en-ciel!


Tout est jarre,
tout est aiguière,
tout est urne
pour les assoiffés de la Terre
et margelle de puits
où Jésus devise
avec la Samaritaine
à l’ombre aux multiples étages
de Dieu!


Car tel est l’effet,
dans la conscience mienne,
de ta ruse d’Amour
involontaire,
telle est la flèche
qui me blesse
et qui vient manifestement
de ton Art de l’ondoiement
et de ta danse
de la Pleine Lune,
spontanée
et cependant raffinée,
sauvage
et cependant maîtrisée,
comme l’est ce poème libre,
comme l’est cet hymne libertaire,
qui tient à la fois
de la voix de Calypso,
des fleurs
ornant les lèvres des nymphes
et du parfum
de la menthe!


Or, cet hymne
issu verticalement
de mon âme,
traverse plus d’une écluse,
plus d’un chenal,
plus d’un canal,
plus d’un pertuis,
avant de parvenir
à l’éclat de la mer
bleue!


Pareillement,
ces ruses, ces subterfuges,
ces coquetteries
et ces jeux de séduction
que tu pratiques
en toute innocence,
les yeux mi-clos,
et qui te qualifient
comme Amante,
sont nés
dans cet archipel de topazes,
dans ce geyser de lapis-lazulis,
dans cette fulgurance
circonvolutionnaire
qu’est le cerveau de Vénus,
et ce n’est pas
sans passer
par mille jades profonds,
mille chambres de pierre,
mille jaspes bigarrés,
mille agates tigrées,
mille marbre de couleur
qu’ils viennent
à la lumière du soleil!


Que Dieu
par ses anges
bénisse ton espièglerie!


Et qu’il la rende
pérenne!
Qu’elle dure, en effet,
autant que la jeunesse
des astres
et l’enfance des Lunes!


Car ton espièglerie
est le corps des cantiques,
la chair des antiennes!


Car ton effronterie
est l’étincelle du monde,
le moyeu de la roue
de l’Univers!


Car ta gaîté
est cette exaltation,
faite d’ondulations,
de Cygne,
clef de la mystique
des rossignols
et de tous les chanteurs,
ménestrels, troubadours,
depuis les temps reculés
d’Orphée l’Enchanteur!


SAVANES DE ZEBRES

EDITIONS ENCRES VIVES. NOVEMBRE 1999