À Celle Qui Est Pure


Ô Jocondine Bien-Aimée
dont la preuve de la pureté
a été faite dans la grotte de Pan
où le Dieu entonna,
s'accompagnant lui-même
de sa flûte appelée syrinx,
un chant de miel
dont la beauté était due
à la virginité de ton âme,
divinement éprouvée
sur la balance de la justice du soleil,
donnons-nous des millions de baisers,
puisque bientôt nous entrerons
dans la nuit éternelle
d'où personne ne revient,
oui, livrons le combat pour la vie
où la victoire ne s'acquiert
que par la joie guerrière
de l'omnipotente Volupté
gagnée à coups de morsures
et de griffures
et de larmes ruisselant de nos prunelles
rouges à force de pleurer
mais de quoi d'autre
si ce n'est de félicité méritée?


Ô petit moineau, délice de ma maîtresse,
chante sur sa mamelle chaude
et gonflée de lait
afin d'éloigner le mauvais sort
qui guette les heureux
et de lui rendre
par ton art pudique
le service inappréciable
d'un réveil paisible
après une nuit de lutte,
suivie d'un rêve réparateur!


La seule menace qui pèse
sur notre liberté d'amants
vient de notre éventuelle satiété
que nous pouvons, cependant,
aisément éviter à nos coeurs hardis,
à condition de ne pas exagérer
la violence de notre plaisir
et de polir notre luxure légitime
avec la pierre ponce de la tendresse
qui, par ailleurs, est notre but
en ce monde et dans l'autre!


Or, la débauche sans la grâce
accordée par les seules Déesses
et la simple licence sans la tendresse
annulent notre état paradisiaque
d'amoureux
et nous plongent dans l'enfer,
inconnu de nous,
des amours funestes et artificielles
des hommes impuissants
et des courtisanes au regard glacé!


Gagnons plutôt,
à coups d'ailes de faucons,
l'Eden où il fait bon s'aimer
entre sages
et dames hospitalières
ainsi que des havres quiets
aux îles coralliennes,
riches de relents langoureux!


LES PORTES DE LA LUNE

RECUEIL INEDIT. OCTOBRE 2005