Le Poète sous la Lumière de Juillet


Assis à l’intérieur d’une tache de lumière,
devant une table d’argent
fulgurant au soleil,
je vois tout à coup surgir
du tréfonds de ce vent étésien
des myriades de cigales
qui chantent en vibrant comme le feu
du soleil de Juillet à midi!


Epandu dans cette tache de soleil,
je rêve à celle qui aurait pu être
ma soeur, sinon par la naissance,
tout au moins par élection!


En effet, nombreuses furent les appelées
au service amoureux de mon âme,
aucune ne fut l’Elue!


Et pourtant, à des coffres d’Orient,
remplis de florins ou de piastres,
à des celliers impériaux,
pleins de vin de Chypre ou de Chio,
à des demeures de princes sur le Bosphore,
j’aurais, et de très loin, préféré
le commerce avec ma soeur par élection!


Si une telle personne existait,
que ne lui aurais-je donné!


Je ferais faire par des habiles ouvrières
des robes de brocart ou de satin,
rien que pour lui en faire présent!


Je lui offrirais tous les parfums
du Yémen et du Khotan
dans des buires ouvragées
de mille arabesques!


Je ferais paître des centaines de taures
sur les prés fleuris
attenant à notre maison,
afin qu’elle dispose
à chaque nouvelle matinée
de lait frais en abondance!


Et je lui rapporterais
des jardins bien-aimés de ma ville
des brassées de tubéreuses!


Et surtout, je répandrais
sur son coeur,
comme un nectar des Dieux,
les trésors sans prix
d’une âme de troubadour!


Mais le sort cruel
n’en a pas voulu ainsi,
un sort, il est vrai, commun
à beaucoup de trouvères
et de ménestrels!


Or, quel n’est pas mon regret
quand je vois les ribambelles
de jouvencelles
déferler sur le Meïdan,
ainsi que les vagues écumantes
de la mer de Marmara!


Ah! Comme j’ai envie de pleurer
quand je vois ces jeunes filles
si gaies, mais si indifférentes
et si loin de moi
qui me trouve déjà
sur l’autre versant de la vie,
le versant qui inexorablement
descend vers l’abîme occidental!


CHEVALIERS DU SOLEIL

RECUEIL INEDIT. DU 10 AU 19 JUILLET 2007