Hymne à l'Epousée d'Avril
Ô jeune femme plus enjouée
qu'un éléphanteau encore à la mamelle,
plus blanche qu'un petit veau sous la mère,
plus tendre qu'un cochonneau de lait,
plus délicate qu'un tout jeune chevreau,
tu as la peau plus velouteuse
qu'un poil de lapin des Espagnes,
ou que le bout d'oreille
d'une belle enfant transpadane
et plus douce que la moelle des os
d'une agnelle nouveau-née!
Sans doute, ton extraordinaire,
ton extravagante, ta folle beauté,
supérieure à la beauté satinée
de Cypris elle-même,
te vient de ta nature hyacinthine
de Néréide qui danse au sein de l'océan
et dont les yeux sont
les violettes qui couronnent
la splendide et antique
cité d'Athènes!
Mais, de tous tes charmes,
ô fille ensorceleuse des Cyclades,
ceux sur lesquels se porte ma prédilection
sont bien le parfum de fleur d'oranger
de ta châtaine chevelure
et l'arôme de torche de résine
de tes aisselles bien épilées,
de ces torches que dans les temps premiers
les nouvelles épouses
d'Hellade et d'Italie
agitaient de leurs doigts effilés,
cependant que le cortège nuptial
s'ébranlait, se dirigeant
vers la demeure de l'époux,
au milieu des sublimes chants d'hyménée,
entonnés par les jeunes gens
et les jeunes filles d'honneur
que les Grecs appelaient paranymphes!
Et toi aussi,
en cette soirée balsamique
où tu te maries,
tu pleures d'avoir à quitter ta mère
dont tu es délicieusement aimée,
afin de me suivre en toute légitimité
et d'orner ainsi pour le reste de tes jours
ma vie de la parure somptueuse
de ton âme,
plus élevée que les nues d'été,
plus haute que la stratosphère,
plus azurée
que les lapis-lazuli de l'atmosphère,
et plus fine que l'espace interstellaire!
Mon coeur téméraire de ravisseur,
jusqu'ici happé par Scylla,
cette femme nue qui porte sur sa poitrine
trente horribles gueules
de chiennes hurleuses,
se réjouit d'avance
de la vision de la paradisiaque prairie
tendue de camomilles et de pâquerettes,
de ta face adorée par Eros
et de ton pubis brun
qui embaume la fleur de marjolaine!
Que l'étoile du soir,
appelée par les Latins
Héspérus Noctifère,
puisse nous gratifier
de nuits aussi mémorables
que les nuits attiques,
sur le lit d'ivoire
de nos noces d'Avril!
Viens, ô Bien-Aimée,
appuie-toi sur moi désormais,
comme la vigne flexible
sur le grand ormeau!
LES PORTES DE LA LUNE
RECUEIL INEDIT. OCTOBRE 2005