Le Troubadour et son Oriflamme


C’est pour l’amour des dames
que je me suis lancé,
ainsi qu’un chevalier,
dans la carrière des lettres,
oui, c’est pour l’amour des jouvencelles
que je me suis jeté dans la palestre poétique
où les lutteurs, enduits d’huile,
font la démonstration de la valeur
de leurs bras
devant un public passionné
où prédominent les yeux noirs
de quelque damoiselle
à la haute mantille
tissée de saphirs!


Oui, c’est pour l’amour des belles
à la croupe d’ivresse
que je suis parti à l’aventure
oui, que je suis allé voir le monde
aux races foisonnantes
ainsi que des escadres de dorades
ou de troupeaux de gazelles
ou des essaims d’oies sauvages!


Et certes, je n’ai rien retiré
du tumulte du monde,
si ce n’est des cris inarticulés
au milieu des coassements de crapauds,
des stridences de cigales
cuisant au fond de la fournaise de Juillet
et des croassements de corbeaux!


De toute cette guerre mienne,
il ne me souvient plus
que de quelques passages de corneilles
ne présageant rien,
si ce n’est la monotone répétition
du même refrain solitaire
qui m’accompagnait toujours
à mon retour des arènes
où rien n’était en jeu,
si ce n’est quelques éraflures
d’amour-propre!


Pourtant, c’est toujours à moi
que revenaient le prix et l’honneur
des joutes auxquelles je prends part
sous la même toujours oriflamme,
celle de ma Bien-Aimée,
l’étoile matinière de mon âme!


Oui, tous mes combats
pour un mot de plus ou de moins
furent couronnés de succès,
succès, il est vrai,
dont personne n’eut vent!


Or, de même que l’exploit
du forestier qui a abattu
un chêne malade
barrant le chemin des promeneurs
ne se fait connaître
de la ville
que des mois entiers plus tard,
de même l’écho des prouesses
d’un troubadour
ne parvient aux oreilles des hommes
que des siècles après!


LA PECHEUSE D'ALGUES

RECUEIL INEDIT. DU 20AU 27 JUILLET 2007