Solitude de Prunier


Je suis un prunier solitaire
surchargé de fruits,
au fond d’un village de montagne!
Et, j’ai beau pousser avec vigueur,
tout le monde m’ignore!


Seul le coucou me connaît!
C’est que lui seul sait
que le printemps est arrivé,
lui et le rossignol qui chante
sur ma plus haute branche!


Et je vais de ci, de là,
comme une herbe déracinée
flottant dans un fleuve!


Ô invisible, ô immanente,
ô divine Bien-Aimée
au nom de pêcheuse d’algues
au pays du soleil levant,
toi qui es brillante comme la rivière Naniwa
quand le soleil la baise,
je n’aurai de cesse
que je n’aie fait à nouveau
ta rencontre!


Car tu as disparu de l’horizon,
comme un soleil couchant
disparaît derrière la montagne
ou comme la rosée s’évapore
au fur et à mesure que le jour avance
ou comme Nara, l’antique capitale nipponne,
s’est évanouie dans les monts bleus
qui l’entouraient!


Sache, pourtant, oui, sache que,
bien qu’aux hypocrites
je parais un être grossier,
ma pensée n’en est pas moins
aussi délicate que celle
du poète Otomo no Yacamachi
qui envoyait des rameaux
d’oranger en fleur
à sa Bien-Aimée!


Et il me souvient d’un temps
où j’invitais les vierges
d’une ville perdue de l’Ouest
à venir me rendre visite
dans mon verger!


«Venez que je vous montre
dans la nuit polie comme votre miroir
mes cerisiers en fleur»,
leur disais-je!


Or, ces jouvencelles
ne répondaient guère!
Et je me suis laissé
mourir d’amour
dans cette ville perdue d’Occident,
ne parvenant pas à suivre
la Bien-Aimée
comme sa propre ombre!


Pose-toi sur mes lèvres
ainsi qu’un papillon de nuit,
ô ma Bien-Aimée
et réjouis t’en, ainsi qu’une flamme
rencontrant cette autre flamme
qu’est ma bouche!


Apparais, adviens,
ô ma fuyante Bien-Aimée!


Ensemble nous marcherons
par les rues jonchées de fleurs de cerisier
comme deux canards
courant côte à côte sur l’eau!


Or, je suis un navire à la dérive
dont je refuse de saisir le gouvernail,
tant que ma Bien-Aimée
ne me sera rendue
en chair et en os!


LA PECHEUSE D'ALGUES

RECUEIL INEDIT. DU 20AU 27 JUILLET 2007