Le Temple de la Grâce


Dans ma vie, deux événements sont
les plus importants,
car le plus délectables:
le premier se passe la nuit,
au lit, sous les draps,
après le premier sommeil,
quand je me prépare à goûter
au sommeil paradoxal,
celui qui apporte avec lui les rêves!


Si rêver importe tant,
c’est que ne puis voir la Bien-Aimée
avec les yeux de l’âme
qu’en rêvant d’elle!


Le second événement capital
se passe le jour,
quand j’arrive au café
pour y jouer sur mon luth
pour moi seul,
car personne ne me voit ni ne m’entend,
mon luth étant presque immatériel,
le peu de matérialité qu’il possède
étant invisible à l’homme du commun!


Car le café est le temple de la grâce,
le parapet céleste
où le serviteur de la Bien-Aimée
connaît la gloire de la servir
en la célébrant!


Oui, c’est au café
que le sage et l’artiste
connaissent la gloire
en y consommant un breuvage,
sans doute bien amer,
mais dulcifié par l’Amour!


Dans ces conditions,
comment ne donnerais-je pas raison
au sage d’Iran qui a dit:
«Celui qui n’a pas balayé
de son front
la poussière de ton seuil, ô taverne,
n’a jamais senti le parfum de l’amour!»


Car, en suivant les conseils
d’un esprit distingué,
je ne désire que ce qui me suffit,
à savoir quelques feuilles de papier
et une plume
avec lesquels je fais l’éloge
de la Bien-Aimée
aux lèvres de lune
et à la hanche de soleil d’Août!


Mais, si je me contente
de ce que j’ai reçu en partage
des Dieux ou des Déesses,
c’est que je sais pertinemment
que je n’ai pas le choix!


Je n’ai pas choisi de naître,
je n’ai pas choisi d’aimer
et je ne choisirai certainement pas
de mourir!


LEVRES DE LUNE

RECUEIL INEDIT. DU 3 AU 8 AOUT 2007