Le Chemin de l’Amour
Le canon aura beau tirer à boulets rouges
contre ma face,
les flèches auront beau siffler à mes oreilles
et les sabres taillader mon corps,
impassible je poursuivrai mon chemin,
le chemin qui mène à ma Bien-Aimée,
à cheval sur un noir coursier de Tartarie
qui, bien qu’il possède des ailes,
a le souffle coupé
devant tant de beautés entrevues,
celles des étoiles fulgurantes
par centaines de millions
et celles des continents de la Terre
où des milliers de rivières
roulent leurs eaux sonores
et des myriades de cités
noires de monde
flamboient dans la nuit
de la communion des êtres
humains, animaux et végétaux!
Et je sais que ma Bien-Aimée
m’attend,
assise sur le seuil de sa maison,
dans le parfum des jasmins de Chio!
Car elle est belle
comme un cerisier d’Arcadie
ou comme un noyer de Laconie
ou un chêne de Dodone
et ses cheveux embaument
l’huile d’olive du Péloponnèse
et ses aisselles respirent
tantôt le thym de l’Hymette,
tantôt la menthe fraîche!
Et quand même elle ne m’attendrait pas,
je lui pardonnerais,
à cause de ses yeux
où la Chine côtoie l’Arabie
et où les mosquées de Samarcande
voisinent avec les églises de Constantinople
et les basiliques de Rome!
Oui, je lui pardonne déjà
tout le mal dont elle me fait souffrir
et je ne l’accable guère de reproches
pour les efforts extraordinaires
que je consens
en vue de l’atteindre,
elle, l’inaccessible
qui m’attend l’âme aux lèvres
et la folie dans la tête,
morte de peur
et toute pâle d’inquiétude,
car elle tremble pour ma vie
comme un peuplier de Novembre!
LE BLASON DE FAIENCE
RECUEIL INEDIT. DU 25 AOUT AU 1ER SEPTEMBRE