La Fille-Lys


Ô jour de fête,
ô jour de noces!
Tu es le lys épanoui
que je tiens fermement
dans mes mains
qui, cependant, tremblent d'émotion,
tant tu es bonne
comme le romarin de Marathon,
comme un fruit de myrte éleusinien,
comme une fleur embaumée
de thym du doux Hymette,
cette montagne qui regarde vers le Sud,
vers la mer
d'où est revenu Thésée,
arrivant de Crète,
après avoir libéré l'Attique
du lourd tribut de sang
qu'elle devait verser
pour le Minotaure
au Roi de cette île
fameuse entre toutes!


Sache, ô Très Bonne,
ô Très Exquise Atthide,
que de tous tes charmes,
celui qui m'agrée le plus,
est bien l'agile Ilissos
de ton visage
qui coule à l'ombre verte
de ta chevelure
depuis toujours enracinée
dans ma poitrine
qui clame sa joie
de voir ainsi un si haut arbre,
un si grand châtaignier
planté dans sa chair
et dans ses veines!


Oui, je t'ai vue un matin d'Avril,
mois d'Aphrodite,
et j'ai été ébloui
et toi, t'apercevant en ton coeur
de mon éblouissement,
tu m'aimas
et tu me chantas
avec une puissance telle
que les fleuves ont rompu leurs digues
et que, en plein jour,
la lune suave a brillé
dans le ciel,
cependant que Phaéton
parcourait à bride abattue
le milieu du firmament,
parmi les torches des Pléiades,
allumées alors qu'il était à peine
midi!


Oui, tu es ma poétesse,
l'architecte du temple de mon âme
et la fondatrice de mon rythme cardiaque
et la bâtisseuse de mon esprit!


Or, relativement à toi,
ô fille atticienne,
je suis dans un état de sujétion
comme Syracuse à l'égard de Corinthe,
comme Marseille relativement à Phocée
et comme Nice à l'égard de Marseille!


Oui, tu es la Reine,
la Monarque absolue,
et je suis le vassal, le page
et l'esclave!


Or, tu deviens,
bien que tu sois ma souveraine
et seigneuresse,
tu deviens, disais-je,
ma blanche petite esclave,
car tel est, n'est-ce pas,
ton désir quand tu te mets
à danser la danse orientale
en secouant avec une indicible lenteur
et une ineffable indolence
les roches lisses, taillées
dans le mont Parnès,
de tes hanches extraordinaires
et en faisant se balancer
ta vulve divine
à même mon oeil en feu
qui ne distingue plus
la Reine et la Dame
de la Prostituée, de la Courtisane
et de l'ardente Amante
offerte en holocauste
à mes sens embrasés,
tels une Volga généreuse
qui brûlerait sous les ponts de marbre
de l'Intellect
qu'elle emporterait
comme dépouilles de guerre
et d'amour,
à charge pour elle
de les rendre,
une fois la paix revenue,
dans nos coeurs à jamais réunis!


LES FAUCONS DE FEU

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2005