La Nature et ses Amours

Douce ainsi qu’un perroquet des Indes,
tu te nourris exclusivement de noix
et de pavots
et quelques gouttes d’eau fraîche
suffisent à ta soif!


Plus légère qu’une nue,
plus lisse qu’une aile de papillon
et plus blanche que la neige
qui vient de tomber,
tu sillonnes gaiement la voûte azurée
ainsi qu’une paonne
qui porte dans ses plumes
le regard pénétrant et éperdu
de son paon
qui ne fait la roue
que quand il rêve à elle qui est
l’unique objet de sa tendresse
dans cette vallée des larmes
où, d’un moment à l’autre,
les plus belles choses peuvent s’évanouir
comme dans un songe!


Ô femme bienheureuse,
Orientale dans ton corps
et Méridionale dans l’âme,
ta croupe souverainement large
est le firmament avec ses astres,
ses comètes fulgurantes
et sa lune pleine au milieu
qui semble être le nocher de la Terre
dans son voyage autour de son axe
et autour du soleil,
voyage se déroulant
avec la régularité étonnante
d’une horloge sortie de l’atelier
d’un artiste accompli!


Or, le poil de plus d’un savant
se hérisserait-il à la lecture
de ce poème!
Quoi, la Nature serait-elle
anthropomorphe
et capable de sentiments amoureux?


Mais érotiser la Nature,
cela n’équivaudrait-il pas à l’enchanter
et, par là-même, à rendre la science
plus légère et moins inhumaine?


Ainsi ont toujours pensé les anciens Grecs
et les autres peuples de l’antiquité,
à travers les oeuvres des mythographes
et des poètes!


Oui, ils érotisaient la Nature
avec ses fleuves, ses vallées,
ses plaines et ses montagnes,
afin de la rendre moins opaque
et plus intelligible!


Ainsi, entre autres paradoxes,
faisaient-ils des fleuves
des amants tantôt heureux,
tantôt malheureux!


Alphée, oui, le bel Alphée,
n’aima-t-il pas passionnément
Aréthuse, une vierge d’Arcadie,
et ne la suivit-il pas
jusqu’à la rive opposée
de la mer ionienne,
à Syracuse même?


Xanthos ne fut-il pas captivé
par la belle Néera
et Pénée ne cacha-t-il pas dans ses flots
son amie Creüse?


Quant à Acheloos, le plus grand fleuve
de l’Hellade,
ne perdit-il pas ses cornes
en luttant avec Hercule
pour la possession de Déjanire,
future épouse du terrible guerrier?


Et le Nil majestueux lui-même,
ne brûla-t-il pas
pour la belle Evanthée?


Il y eut même un fleuve
si galant
qu’il retira ses eaux,
afin que sa Bien-Aimée
ne fût pas mouillée
en le baisant!


Ainsi, les Anciens
refaisaient-ils le monde
selon une merveilleuse nécessité
et conformément à la loi de correspondance!


Plus tard, la tâche des Modernes
ne consista qu’à défaire
cette OEuvre grandiose!

LA TAVERNE ENCHANTEE

RECUEIL INEDIT. DU 1ER AU 8 SEPTEMBRE 2007