Eloge du Corps Merveilleux


Voici venir ma Bien-Aimée!
Elle est vêtue d’une ample robe de mousseline,
serrée à la taille
par une ceinture de brocart grec
et elle a les cheveux flottants
sur les épaules!


Elle vient vers moi
à lents pas de majesté
et tout en ondulant de la hanche,
comme naguère Balkis
allait vers le lit nuptial,
ou comme Phryné allait rejoindre en rêve
Praxitèle
ou, comme enfin, Laïs de Corinthe
s’offrait à Aristippe de Cyrène,
tout en faisant germer en lui
sa doctrine de la volupté
que Pythagoriciens, Platoniciens
et Chrétiens devaient plus tard
combattre avec une morne passion,
la passion qui est l’apanage
de tous les décadents
et qui est commune
à tous les négateurs de la vie
dont la seule ambition est le pouvoir!


Aussitôt, je me lève
du lit où tout à l’heure je reposais,
je dénoue avec une grave admiration
sa ceinture,
comme jadis Anchise, le père d’Enée,
dénouait la ceinture d’Aphrodite
au moment de s’unir avec la Déesse,
et j’ouvre sa robe!


Heurtez les cymbales,
faites fulgurer
les trompettes du triomphe
et résonner les cithares d’or!


Je ne rêve pas,
ma Bien-Aimée est devant moi
toute nue,
comme une statue de Praxitèle,
comme la statue de la Déesse de la Beauté!


Son cou est blanc
comme le col des cygnes
dont la Déesse adorée à Idalie
attelle son char de bronze doré!


Ses épaules ne sont pas saillantes,
mais rondes et bien nourries
comme les épaules d’une Nymphe d’Arcadie
et lisses comme un marbre de Houdon!


Ses seins s’offrent merveilleusement
à la caresse,
car ils sont grands,
parfaitement sphériques
et puissamment compacts,
comme les seins d’une Déesse hindoue!


Sous sa gorge sans défaut
et entre ses reins d’anguille lascive,
s’ouvrent les champs de son ventre,
vaste comme les champs de Thessalie
et les plaines de Macédoine!


Et tout en bas de son ventre,
se forme l’huître de son pubis
qui recèle en ses profondeurs
une perle d’Orient
unique au monde,
sa vulve océanique!


Et que dire de ses flancs
robustes comme la croupe large
d’une jument percheronne,
nobles et mobiles
comme le cul d’une gondole,
et si lisses qu’on croirait,
en les touchant avec la main,
fendre avec un sabre
une soierie somptueuse de Laristan!


Je palpe avec émotion
ses cuisses qui se tiennent toutes droites,
ainsi que des Caryatides
sous ses fesses superbes!


Car ses cuisses sont sveltes,
sans être maigres,
et plus rondes que verticales,
formant un arc tendu
autour de son mont de Vénus!


Ses jambes sont plus élégantes
que les pièces pour clavecin
du Grand Couperin
ou de Rameau
et semblent des cavales
à la robe toute blanche
qui traversent à toute allure
la plaine d’Argos!


Ses pieds, enfin, sont plus délicats
que les pieds de la Vénus Anadyomène
de Sandro Botticelli!


Oui, par plus d’un côté,
elle ressemble à cette peinture,
à, toutefois, une nuance près,
l’Anadyomène de Botticelli
a un regard presque mélancolique,
alors que les yeux de ma Bien-Aimée
jettent un éclat si joyeux
qu’il ferait pâlir de timidité
un Dieu amoureux comme Apollon
ou Bacchus!


LA TAVERNE ENCHANTEE

RECUEIL INEDIT. DU 1ER AU 8 SEPTEMBRE 2007