L’Inexorable Destinée des Amants


Ô ma toute jeune maîtresse,
gaie comme une blanche colombe
roucoulant pour son amant
et élégante comme un cygne
nageant dans le lac Léman,
tant que ton âge le permettra,
mange des confiseries,
bois du sirop de grenade
ou roule-toi dans les myrtes et les roses
ainsi qu’une toute petite chatte angora!


Mais de grâce,
garde-toi d’une joie
par trop insolente
aux yeux des miséreux,
car un jour toi aussi
tu devras mourir,
que tu aies toujours été malheureuse
ou que tes jours aient été toujours été
marqués de blanc
sur les tablettes de Clothô,
que tu n’aies connu autre chose
que les tempêtes sur la Caspienne,
les glaces des montagnes d’Arménie
ou le vent du Nord
qui souffle de Thrace
sur la mer Egée
ou que tu aies toujours goûté
la douceur des hivers cléments
du Levant!


Nous deux qui nous nous aimons
comme s’aiment entre elles les palmes,
et qui, pourtant, nous ne faisons
que passer
comme l’onde fugace
d’une rivière du Péloponnèse
disparaissant en été,
regardons la réalité en face:
nous quitterons un jour
notre jardin de roses
et notre belle maison
que borde le Céphise de Béotie
et d’autres que nous
en seront, après nous,
les maîtres!


Car, que l’on soit riche
et que l’on ait pour ancêtres
le Roi David
ou la Reine Sémiramis
ou que l’on soit pauvre
et d’une condition proche du néant,
on est tous condamnés
à l’exil éternel
dans le royaume de Pluton!


Notre lot est agité
pendant un court instant
dans l’urne de la destinée,
mais, tôt ou tard, il en sortira
et nous nous trouverons alors
dans la barque de Charon,
sur le chemin qui mène
aux ombres de l’Averne!


AMOUR DE PALMES

RECUEIL INEDIT. DU 9 AU 16 SEPTEMBRE 2007