Ode à Antoine et Cléopâtre
Ô Antoine et Cléopâtre,
couple calomnié par les rigoristes
de votre temps,
oui, couple traîné dans la boue
par des hommes avides d’en imposer
à un peuple médiocre
jusqu’à la sottise
et jusqu’au déni de justice!
Or, votre seul tort fut
de vouloir en quelque sorte
faire remonter les rivières
à leur source
en arrêtant, en renversant,
en s’opposant au cours
naturel de l’Histoire,
ce qu’on appelle par euphémisme
son sens,
si funeste à notre chère Terre!
Vous êtiez possédés tous les deux
de la mystique de l’Hellade:
vous vouliez répandre
dans tout l’univers habité
la religion de Bacchus
en rétablissant, avec le concours
de quelques Romains
aux larges horizons,
l’antique empire d’Alexandre le Grand
considéré comme fils d’Ammon
ou comme une incarnation de Dionysos!
Mais le pâle Octave
veillait aux intérêts de Rome,
et voulant, ô Antoine,
te perdre aux yeux du vulgaire,
imagina de répandre la rumeur
selon laquelle tu serais aveuglé
par ta passion pour une femme damnée,
en l’occurrence Cléopâtre!
Mais, ô Antoine, et toi, Cléopâtre,
par votre façon de mourir,
vous prouvâtes à jamais
au monde étonné
votre supériorité morale
sur l’ambitieux neveu de César!
Car, tu ne voulus pas, ô Cléopâtre,
parader dans les rues de Rome
comme une captive,
les mains liées derrière le dos,
oui, comme un trophée
de ton ennemi mortel,
et tu te donnas courageusement
la mort!
Et Antoine de te suivre
dans la mort!
LES MANDARINS DE LA LUNE
RECUEIL INEDIT. DU 17 AU 23 SEPTEMBRE 2007