Le Panégyrique de la Bien-Aimée


Caché dans les langoureuses balalaïkas
de tes cheveux noirs,
je guette les faucons de feu
qui s'élancent de tes prunelles séditieuses
vers l'ultime firmament
où je t'espère
comme un barde brisé par ta violence
et brûlé vif par ton ardeur
à me combattre sur le champ de bataille
de ta nuptialité,
ton lit d'étoiles filantes
et d'éclairs fulgurants!


Le volcan de Stromboli
s'éteindra soudainement,
le terrible Titan Encelade,
enseveli sous l'Etna,
soulèvera dans ses bras d'airain
la terre de Sicile,
Mykonos sera engloutie
par les eaux furieuses de l'Egée
et, contrairement aux lois de l'univers,
le Soleil se lèvera d'abord en Espagne
et ne rosira que bien plus tard
le ciel caucasien
avant que je perde ma foi en toi,
ô duchesse goyesque,
ô puissante tsarine
et femme libre
de s'offrir sur les autels de Phébé
qui réclament des hécatombes
de blanches génisses,
vierges de tout contact
avec un taureau!


Sache, ô belle Moscovite,
que si tu exiges de moi
que j'atteigne des sommets,
volontiers je marcherai
sur les cimes enneigées du Taygète
ou sur les roches abruptes des Apennins
et, si tel est ton fou désir,
je serai prompt à me jeter
sur des glaives ennemis!


Oui, je suis prêt à te suivre
sous la pluie, la tempête de vent
ou dans l'ouragan,
parmi la mer déchaînée,
par la Volga en délire,
par le Danube en crue
et par les steppes russes,
livrées au soleil sauvage de l'été
où des femmes slaves,
l'oeil en feu,
montent des noires juments tartares,
en course rapide vers Nijni-Novgorod,
possédées par l'esprit
d'un starets génial!


De par la Sainte Russie,
rends-toi à mes arguments
de fervent prétendant,
afin que, couronné de myrtes d'Aphrodite,
j'entre à pied dans Moscou,
la Troisième Rome
immortalisée par Ivan le Terrible,
suivi de toute la Douma
en vêtements de boyards
et ovationné par la foule à genoux
et en larmes de joie,
tel un général de Catherine la Grande,
tel un Potemkine
qui t'aurait conquise
sans poussière
et sans effusion de sang!


FLEURS DE SOLSTICE

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2005