À la plus Belle des Statues


Ô Belle enfant
dont le nonchaloir
équivaut à une enseigne de victoire
et dont l'abandon est
un signe de mer navigable,
tu as fait de moi
un temple dédié à ton nom
que je n'ose prononcer,
car il est le nom d'une Déesse occulte,
connue de moi seul!


Oui, tu as fait de moi
un sanctuaire en marbre pentélique
et au portail en marbre jaune d'Algérie
et dans l'adyton duquel
est disposée une statue
qui t'incarne
par sa large croupe
en bronze de Corinthe,
par son sein
en argent d'Attique,
par ses membres
en bois de baumier d'Arabie,
par sa bouche qui embaume
l'encens de Saba,
par ses petites oreilles
qui sont chacune un pétale de jasmin de Chio,
par ses prunelles ardentes
qui sont des marrons au feu
de ma passion,
par son nez
qui est une flèche amoureuse
plantée dans ma poitrine,
voire le nez d'une Théotokos byzantine,
penchée sur le Divin Bambin,
un nez de sainteté grecque
et de nostalgie florentine,
un nez qui me gratifie du plaisir
de me sentir comme un Dieu musicien
soufflant dans une flûte droite!


Oui, c'est une statue
en tous points conforme
à ton céleste Idéal,
avec sa chevelure
qui sent les vigneraies en fleurs
du solstice d'été
et dont la gamme des couleurs
s'étend du vert de chêne
au brun de châtaignier,
avec son ombilic
pareil à une fontaine ottomane
et avec son pubis de Cafrine
dont le goût ressemble
à une prise de tabac noir,
parfumé d'essences langoureuses d'Orient!


Mais comment dans cet hymne
à ta gloire,
ô vierge chaste,
ne pas évoquer ta vulve,
semblable à une petite rivière de Tanzanie
où se baignent les hippopotames
du Désir sacré?


FLEURS DE SOLSTICE

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2005