Le Rêve de Constantinople
J’ai fait le rêve
singulièrement voluptueux
d’une rangée de tamaris
dansant sous le vent
et au soleil,
sur fond de mer violette!
Dans ce songe heureux,
j’avais fait un abri
de ta chevelure de soie de Brousse,
pareille par l’aisance qu’elle dégage
à un havre d’Anatolie
d’où je contemplais la périssoire dorée
et arquée en croissant de lune
de ta hanche si douce,
cependant que je jouissais
d’une vue plongeante
sur le palais bosphoréen
de ton corps entier!
Cette jouissance indicible
m’a permis d’admirer
les blancs dômes stambouliotes
de tes seins épanouis
et la coupole de Sainte-Sophie
de ton front bombé!
Toujours en rêve,
ainsi qu’il convient à un trouvère,
j’ai caressé ton ventre délicat,
semblable à un coffret d’or
recouvert de rubis, d’émeraudes
et de saphirs,
cependant que dans le ciel de Stamboul
éclataient en gerbes d’apothéose
les feux de Bengale du Ramadan!
Et j’ai fini par découvrir
dans le dôme de la mosquée bleue
une nichée de si tendres, de si aimantes
petites hirondelles,
que je me suis aussitôt rapporté
à ton amour, ô belle de Péra
dont les grands yeux grecs
m’accablent de leur chaleur
de miel et de lait!
Et dans les volières d’or
où le sultan Ahmed le Troisième
gardait ses mille rossignols,
j’ai reconnu la prison dorée
qui me sépare de toi,
de toi que je célèbre
ainsi qu’un rossignol inlassable!
Cependant, par un de ces délicieux
Octobres du Levant,
ma cage s’ouvrira
et alors je viendrai te rejoindre
dans ta couche moelleuse
où Constantinople, la Reine des cités,
languit de l’Orient de la passion!
LE DIVAN D'OR
RECUEIL INEDIT. DU 30 SEPTEMBRE AU 8 OCTOBRE 2007