Le Troubadour Taoïste


De la bienheureuse prairie
à Dieu abandonnée,
de ta chevelure féconde
où paissent les toutes blanches
génisses du printemps,
du cytise en fleur de ta hanche,
de la mer de ton coeur
et de la neige de ton âme,
je m’élève jusqu’à la contemplation
de l’universelle puissance
de l’Insaisissable Tao,
cette puissance que Lao-Tseu
nomme To
et qui est la Mère de toutes choses,
la Génitrice des myriades de trillions
d’êtres florissants,
peuplant les mondes
nés de Son Rêve,
ce Rêve impalpable dont procède
la matière palpable!


Comment, donc, puis-je,
en partant de toi,
être sensible, composé de viscères
et de veines,
oui, comment puis-je,
à partir de ton corps vulnérable,
me lancer dans la conquête
de l’Être éternel,
insensible par définition,
invulnérable par excellence
et sans qualité particulière,
Lui qui est la Source de toutes les qualités?


Sans doute, est-ce là un Grand Mystère
que seul un mystique
peut prétendre percer!
Mais, si je suis un mystique,
pourquoi ai-je besoin
du support de ta chair
dans mon action contemplative?


-C’est que je suis un troubadour amoureux
et dans l’amour on ne peut distinguer
le divin de l’humain,
le sacré du profane,
car ceux-ci sont inextricablement liés
l’un à l’autre
et ne constituent que des plis
à peine différenciés
de cette Essence des essences
qu’est le Tao,
apparu avant que la Terre
ne s’arrache au Ciel,
avant que le Ciel lui-même
ne se soit déployé,
existant avant toute multiplicité,
toute particularité!


Or, pour moi qui en suis encore
à téter ma Mère la Nature
et qui suis resté un petit enfant,
toute contradiction est apparente
et toute opposition est illusoire!


Seul n’est pas illusoire le Tao
et seule n’est pas fictive
la voie qui y mène
et qui pour moi
passe par la Volupté!


Voilà pourquoi j’affirme
tout renfermer en moi,
l’homme te la femme,
le matin et le soir,
le jour et la nuit!


VEHICULE DE DIAMANT

EDITIONS ENCRES VIVES. COLLECTION LIEU. JANVIER 2008