Ode à la Languide Inconnue


Que les faibles fassent la guerre,
moi je dois aimer,
tel est mon devoir,
tel est mon droit!


De par ma force,
de par ma vaillance,
c'est sur l'amour
que je dois porter mes efforts
et concentrer mon attention!


De par mon savoir,
c'est sur Eros que je dois méditer
et c'est fondé sur l'Autre
que je dois entreprendre mes spéculations
d'aède visité par la sagesse!


Car il est impossible,
il est improbable que je périsse
dans une attente vaine!


Or, j'attends l'arrivée de l'Amour!
Je sais que tu viendras,
ô Aurore,
par une fin de nuit embaumée d'Athènes
et que tu offriras
comme une rose de sang
tes trente pétales au feu de mes lèvres
et qu'alors je pénétrerai ton secret
jusqu'à ta racine
comme le papillon
tant espéré par toi!


Le pieux Ovide n'affirmait-il pas
qu'agréable et plaisante est la vie
aux jeunes femmes
dont le cou est posé
sur un bras d'homme
qui l'enlace?


Pour toi aussi,
ô languide Inconnue,
riante sera l'existence
ainsi qu'un coteau de vigne du Péloponnèse,
puisque tu reposeras sur mon épaule
ou au creux du chêne de Dodone
de mes bras
et que tu t'étendras à mes côtés
sur ton blanc lit virginal
où tu me confieras
la gouvernance de ton âme!


Et tu t'agiteras
sous mes paumes délicates
comme une feuille de frêne
sous la brise du golfe d'Eubée
et tu trembleras sous mes fortes caresses
ainsi qu'un blanc peuplier de Céphisie
sous les rafales de l'Aquilon!


Ô Rossignol d'Attique,
familières me sont tes odes
et ta voix est parente
de ma voix
par le clair lyrisme
et par l'angoisse tragique!


Et je te connais si bien
que je sais ou je pressens
que ta mort même,
ô Immortelle,
sera comme l'Assomption d'Ariane
qui, couronnée d'or,
est devenue une constellation
visible des palais de l'Olympe
où demeure toujours
son amant et époux,
Dionysos le Thébain,
le Fils de Sémélé,
elle-même montée aux cieux!


MERS DE VOLUPTE

RECUEIL INEDIT. DECEMBRE 2005