Ode à Hélène de Sparte
Je te chanterai
la tête tournée vers les cieux,
les yeux clos
et la sueur sur mon front
et sur mes joues!
Car tout ce qu'on a dit jusqu'ici
de ta beauté
est inférieur à la vérité
et le renom même
dont tu jouis
est calomnieux!
Or, ta beauté
n'est pas une de ces beautés
qui peuvent naître, s'épanouir,
se corrompre et périr!
Elle existe par-delà les citadelles,
par-delà les temples,
par-delà les nues,
dans le merveilleux, le pur,
l'immarcescible azur d'outre-mer!
Il n'est ni paon, ni faisan,
ni noire tourterelle, ni colombe vive
qui puissent être comparés à toi!
Châtaine est ta chevelure
de moire antique à grandes ondes
et tu ne ressens guère
la nécessité de recourir
aux habituels artifices
afin de la faire paraître dorée
comme un épi de Juillet!
En revanche, ta peau est blanche
comme la neige intacte
sur les monts d'Arcadie
ou comme les cataractes du Nil!
Ta peau reluit d'huile d'olive
comme les corps sveltes et vigoureux
de ces jeunes filles de Sparte
qui luttent dans les palestres!
Ta noble tête est ceinte
d'une couronne d'olivier sauvage,
prix de ta victoire à la course
sur Zeus, ton père naturel,
ton père-cygne
qui t'a engendrée
de ses oeuvres d'amour avec Léda,
ta mère-cygne,
ta mère-hélianthe!
Ta gorge même est
un banquet perpétuel des sens,
un gala de mille soleils danseurs
et de dix mille grandes lunes
toutes rondes!
Et que dire de tes flancs,
ces jaillissantes sources,
ces cascades d'Edesse,
ces intarissables fontaines musiciennes,
ces couvertures de soie
sur ma chair qui rêve
des rêves de pourpre tyrienne
moulant le buste et les hanches
d'amoureuses hellènes,
oui, des songes de princesses sidoniennes
régnant à Thèbes l'Aonienne
et de safran crétois des noces
et de processions de torches ardentes
sur la Voie Sacrée
menant d'Athènes à Eleusis,
où ont lieu les Grands Mystères de Déméter!
Non, ton royaume n'est pas à Sparte,
ni à Troie,
mais dans ton coeur d'impératrice
et dans ta cristalline beauté
qui sera toujours célébrée
par les aèdes lyriques
par-delà les pays,
par-delà les âges!
PAR-DELA LES NUES
RECUEIL INEDIT. DECEMBRE 2005