Aziyadé
Aidé d’un calame d’Orient,
je tresse avec les roses
de la fumée de mon narguilé
des odes à la beauté de ton âme
et à la bonté de ta chair
que je porte toutes les deux
aux nues
et que j’estime au-delà
de toute autre image terrestre,
au-dessus même de l’icône sainte
de la vertu!
Entre loukoums de Syra
et raki de Crète,
que je consomme jusqu’à l’ivresse intégrale,
je pose des baisers
fulgurants et insatiables
sur les pétales embaumés
des rouges oeillets de tes lèvres,
oui, des baisers insatiables
comme la soif ardente
qui s’excite continuellement
par l’eau glacée
que l’on boit, ainsi que des ivrognes,
durant les canicules!
Telle est la légèreté
de l’air de Mai,
telle est la fraîcheur marine ambiante
sur ce quai de Salonique
où me voilà étendu
comme un mendiant
qui serait aussi riche qu’un pacha
allongé sur un lit de roses,
oui, telles sont la légèreté
et la fraîcheur ambiantes
qu’au crépuscule je m’exalte
jusqu’à m’unir à la masse imposante
de l’Olympe se mirant,
ainsi qu’un brasier,
dans la mer calme de Macédoine!
Et ma si douce Bien-Aimée,
au souvenir de la petite Aziyadé,
de pleurer sur la petite fille turque
qu’il y a de cela cent et quarante années
aima passionnément
le bon, le doux
et le merveilleux Loti,
ce prince d’entre les marins,
et ce poète d’entre les mendiants!
LA FONTAINE DE RUBIS
RECUEIL INEDIT. DU 22 AU 30 JANVIER 2008