Ode à l'Idole de Chair


Ô mon genêt d'Attique,
mon jasmin d'amour!


Ô mon large golfe d'Eubée
dont la brise gonfle
les grappes de lilas
comme les plumes des paons volants
ou comme les ailes de colombe
des paisibles voiliers!


Ô ma cavalière d'or,
mon amazone d'argent!


Ô toi, premier des mimosas à fleurir
sous les frimas de Décembre,
ô mon amandier en fleurs du Nouvel An,
je salue ta floraison,
cette lampe qui brûle dans ton corps
et dont je suis épris
comme Eros de Psyché,
comme un Primitif d'une Primitive,
voire comme le Premier Homme
de la Première Femme,
comme Adam d'Eve
ou comme Deucalion de Pyrrha
ou comme Pygmalion de la statue
dans laquelle devait s'incarner
l'idole de sa pensée!


Tes mains fines de nonne
ont béni le pain d'orge
et l'eau fraîche
qui composent mon frugal dîner!


Et c'est toi-même qui as tendu
sur la mousse
mon lit fait de feuilles de platane!


Avant ta venue,
je ne dormais jamais sous le soleil
et jamais je ne fermais les paupières
quand les astres fulguraient au firmament!


Et je ne jouissais guère
du parfum des primevères au printemps
et les ardeurs de Sirius
me consumaient en été!


Et tu es venue comme l'ombre salutaire
sous laquelle je me suis,
pour la première fois,
prélassé!


Alors, le sommeil reposa mes membres
et accorda son royaume à mon esprit
qui naguère errait
par les côtes abruptes,
battues des vents,
et par les plateaux inféconds!


C'est que tu es mon pin d'Orope
que le soleil dore
et fait reluire comme un oranger
aux lourds fruits!


Et tu es un théâtre grec
au milieu d'une pinède splendide,
un théâtre où je clame ma Nécessité
et où je déclame des vers pythiques
dont, sois-en sûre,
le zéphyr gardera vivant le souvenir
jusqu'à l'aube des temps nouveaux!


VASE A IVRESSE

RECUEIL INEDIT. JANVIER 2006