À une Amante du Temps Jadis


Ô Hafsa Bint al-Hajj,
poétesse de Grenade,
amante de naguère,
ton souvenir m’est revenu
comme un vol d’hirondelles
rentrées d’Afrique
après un long hiver,
comme la caresse des anémones
au printemps naissant,
comme le ressac de la mer andalouse,
comme, enfin, une âme qui remonte
du puits de l’oubli!


Ton nom et ton oeuvre
me laissent pressentir
que ma Bien-Aimée
serait louée,
si je la comparais à toi!


Comme elle, tu étais,
aux yeux de ton amant,
plus précieuse qu’une eau limpide,
emprisonnée dans une roche,
ou qu’une jeune rossignolette
nichée dans son coeur,
ou qu’un musc sombre,
secrété par un chevrotain,
dernier de son espèce,
ou qu’un ambre rougeâtre,
émis par un cachalot corsaire,
ou qu’un caviar noir
pondu par le plus grand
des esturgeons de la Caspienne
ou que l’encens né dans les jardins du Yémen!


Oui, pour ton amant,
tu étais une source de montagne
à l’eau glacée
en plein été
et une nuit interminable de Baïram
couronnant la pénitence du Ramadan!


Comme ma Bien-Aimée,
tu étais de race arabe!


Or, l’Arabie est le berceau
de l’amour-passion
ou amour véritable,
le giron qui la réchauffait
durant sa longue enfance
et sa tout aussi longue fermentation
dans les cuves de l’âme humaine
qui est la fille de la Déité
et à la fois la mère et le père
de l’art de vivre
et de la science musicale
ou poétique!


CARESSES D'ANEMONES

RECUEIL INEDIT. DU 21 AU 28 FEVRIER 2008