Le Canon de la Féminine Beauté
Je chanterai ici la dame enchantée
qui tant plaît aux hommes!
Contrastant avec la finesse de sa taille
pareille à un rameau de camélia
ou à une tige de nénuphar
ou à l’anneau de fiançailles
d’une princesse arabe
au temps des califes de Bagdad
ou à l’alliance d’une Chabanou d’Iran,
oui, contrastant avec la minceur
de sa taille de guêpe,
sa croupe est d’une largeur monumentale,
semblable à la poupe d’une gondole d’or,
voire d’un caïque de Sultane
ou à un cerf-volant rond
qui voyage dans l’azur de Chine
ou à la boule terrestre
ou, enfin, au disque lunaire!
La partie inférieure de son ventre
est également large,
ainsi que sa chute de reins
qui annonce l’opulence de la hanche
et de la vulve saillante
et charnue,
merveilleusement transparaissant
sous la robe de satin blanc!
Dans la partie supérieure de son ventre,
si élégante,
se trouve son nombril vaste
et bien enfoncé,
semblable au soleil rayonnant
de midi!
Car on reconnaît une belle dame,
oui, une belle hanoum,
à ce que, vue de devant,
elle nous éblouit
comme un soleil estival
et vue de derrière,
elle nous coupe l’haleine
par la fascination poignante
qu’elle nous prodigue
sans y penser!
Son visage est ovale,
comme sur les peintures du Fayoum!
Ses yeux sont très grands
et allongés,
d’un noir d’ébène
dans un blanc limpide!
Sa bouche est semblable
à une cassette
contenant des rubis
et des diamants
et des perles!
Son front est large,
car une pensée vive y réside!
Et ses cheveux descendent
sur ses épaules,
comme la nuit qui descend
sur la mer Rouge!
Enfin, ses mains,
aussi bien que ses pieds,
sont fins
comme les extrémités
d’une vierge déliée,
voire d’une houri du Paradis!
Rendons donc, grâces
à la si belle dame
qui nous séduit
par la forme accomplie de ses seins
de neige parfumée
et, aussi, par la dureté de ses fesses
et de ses cuisses
et par ses bras et ses avant-bras potelés,
si différents des membres décharnés
des beautés cachectiques du Couchant!
Mais, si elle nous plaît,
ce n’est pas seulement
par son corps,
mais, surtout, par son âme
féconde en indicibles charmes
et en féeriques richesses!
C’est qu’elle allie,
à la volupté des Alexandrines,
la lascivité des Beyrouthines
et l’art des Indiennes,
et à la passion des Cairotes,
l’amabilité des femmes berbères
et la chaleur des Éthiopiennes!
Et sa démarche est musicale
comme un chant de rossignol
dans le silence de la nuit de Mai!
LA SULTANE ET LE MAMELOUK
RECUEIL INEDIT. DU 29 FEVRIER AU 4 MARS 2008