Le Vaisseau Illuminé
Ô toi, mon inespéré printemps,
ô toi, mon eau fraîche
qui me désaltère
durant les étés torrides,
ô toi, mon feu qui brûle
dans la forêt de mes viscères,
je me damne quand je contemple tes fesses
qui s’élèvent et s’abaissent
quand tu marches,
comme les vagues de l’Égée
ou comme un vaisseau amiral,
illuminé de mille flambeaux
et qui traverse, au milieu des pleurs de joie,
le Bosphore merveilleux,
ou comme une noire gondole
qui roule bord sur bord
dans le Grand Canal
de la Cité des Doges
ou, enfin, comme le mont Ida de Crète
ou l’Olympe des confins de la Macédoine,
tels qu’ils paraissent de loin
aux yeux du voyageur émerveillé
de leurs cristaux!
Et que dire de tes cils ombreux
inclinés sur l’étang royal
de tes prunelles
éclairées par les mouettes
de tes paupières?
En vérité, tes seuls cils
et tes seules prunelles
me font chavirer
dans le port même
de la Résurrection!
Or, c’est pour toi
que, partout à travers la vaste terre,
on brode la soie
et les brocarts,
oui, c’est pour toi
qu’on tisse les mousselines
et les autres étoffes précieuses!
C’est en hommage à ton extraordinaire beauté
qu’on érige les temples grecs ou hindous
et les églises et les synagogues
et les mosquées!
Et les Rois et les Sultans
élèvent des palais
ou de somptueux châteaux d’agrément,
afin de favoriser ton oisiveté
que tu étales nonchalamment
sur les banquettes, les divans
et les lits de repos!
Or, c’est dans une
de ces demeures seigneuriales,
bâties pour ton plaisir
et ta paresse,
que cette nuit, après t’avoir
élevée dans mes bras,
je t’étendis sur ta couche moelleuse!
Puis, je te dépouillai de tes parures
et te possédai comme un maître sa maison
ou comme le Sultan possède son Sultanat
et le Calife son Califat!
Ainsi, je me console
de l’arrivée inévitable
du terme de mes jours,
en pensant qu’au Paradis
tu seras la récompense
de quelque Saint,
voire d’un simple Croyant!
Car, tu as rang de houri!
N’es-tu pas mon désir,
et, en même temps,
le sublime contentement de celui-ci?
CIELS EN FEU
RECUEIL INEDIT. DU 5 AU 10 MARS 2008