L’Oiselle de l’Éden


Et maintenant, j’accorderai ma harpe,
celle que me légua
mon ancêtre David,
le Daoud des musulmans,
oui, j’accorderai cette harpe si harmonieuse,
afin de célébrer
la force généreuse de ta hanche,
riche en graisse d’oie
et si somptueuse
qu’on dirait un derrière de poularde!


Or, ta croupe est vaste comme l’Hymette
vu du haut des nues
et dont le thym donne un miel fameux
depuis le temps d’Ovide,
voire d’Euripide!


Et elle est si opulente
qu’on pourrait la comparer
à un plateau en argent d’Espagne
et qui serait chargé de tranches
artistement coupées de pastèque
rouge et fondante dans la bouche,
de porcelaines pleines de fromage battu
ou de lait enchanté de brebis,
de plats de viande de gazelle,
de pots de confiture,
de pâtisseries à la chantilly
et de vases de fleurs parfumées,
surtout de roses et d’oeillets!


Tu es en vérité aussi douce au dedans
que tu es dure à la surface!


Ta croupe n’est-elle pas dure
et résistante ainsi qu’une épée
de trempe extraordinaire
et tes seins ne sont-ils pas
si fermes et si élastiques
qu’on les dirait faits d’acier indien?


Mais puisque je fais, de la sorte,
l’éloge de tes charmes
les plus forts,
comment tairais-je
la senteur merveilleuse
qui se dégage de ta virginité
et qui fait paraître grossière et rude
l’odeur des jasmins
dont embaument en été
les îles bénies de l’Égée
qu’on dirait faites pour le loisir
et la luxure?


Ô adolescente, du parfum de qui
embaument tous les lieux clos,
toutes les salles ou les chambres
où tu pénètres à petits pas
et en te balançant,
ainsi qu’une fée,
afin de rendre la vie aux hommes,
qu’ils soient ascètes ou hommes de peine,
qu’ils soient sévères ou indulgents,
et qui t’adorent
et espèrent en ta venue
et, sans ta présence, se meurent,
semblables à des chiens errants
ou à des agneaux égorgés,
qu’Allah te bénisse
et te protège,
car tu es le pur joyau de mon coeur,
le sésame de mon pain quotidien
et l’admirable festin
de toutes les âmes des mortels!


L'OISELLE DE L'EDEN

RECUEIL INEDIT. DU 12 AU 17 MARS 2008