Le Grillon de Juillet


Tu es le petit grillon de Juillet
qui chante dans la voilette légère et soyeuse
de la nuit,
la nuit qui descend
sur cette vallée des larmes,
à petits pas de ballerine!


Comme la nuit, tu pénètres
sur la pointe des pieds
dans la chambre où je fume une longue pipe
parfumée à l’essence de rose!


Et la chaleur torride
qui se dégage de tes yeux
est telle qu’on la dirait dérivée
d’un océan bouillant
sous l’orage tropical,
ou née dans les forges mystiques
de Vulcain!


Ah! Comme je suis aise
de pouvoir, enfin, célébrer
le vase de cristal de ton buste nu
et le hanap d’or,
enrichi de rubis,
de ta large croupe,
dont le doux vin
à la fois grise mon âme
et la transporte au-delà des limites
de l’univers,
aux vallées où règne
un éternel Avril
et où aucune marguerite
n’est éphémère
et aucun coquelicot ne se fane
dès que cueilli!


Louanges au Seigneur ou à la Seigneuresse
qui a créé la femme
pour mettre le feu
dans les entrailles du trouvère,
et qui a autorisé celui-ci
à chercher dans les diverses beautés
de sa Bien-Aimée
la récompense pour les périls
que, pour elle, il a encourus,
tout au long d’une vie d’aventures!


Or, le Souverain ou la Souveraine du Ciel
n’accorde le don de la sagesse
à l’homme qu’Il ou Elle choisit
d’entre les mortels,
que de préférence aux biens de ce monde!


Voilà pourquoi, je n’ai jamais possédé
autre chose que toi,
toi qui es l’âme de mon oeuvre lyrique,
à la fois la femme
qui insuffle la vie à mon coeur
et celle qui nourrit mon imagination,
pareille à une cavale tartare
lancée à bride abattue
sur la steppe russe!


Oui, tu es la fée qui chevauche
cette surnaturelle jument
et qui, en même temps,
lui donne à boire et à manger,
en lui offrant l’extraordinaire vision
de son corps précieux,
à la fois solide et liquide,
à la fois ambroisie et nectar!


Comme un saule en Avril,
je pleure de joie,
en rêvant au printemps de ton corps
et au parfum paradisiaque
que respire ta bouche,
dont les dents sont
des bâtonnets de sucre
et la salive un vin de Hongrie!


LA MAJESTUEUSE INCONNUE

RECUEIL PUBLIE AUX EDITIONS ENCRES VIVES, COLL. ENCRES BLANCHES, EN SEPTEMBRE 2008