À la Matriarche de la Sainte-Sagesse
Je livre à l'édification de la foule
et à la jouissance des doctes
et des savants
cette ode emplumée
dont le coup d'envoi fut
le coup de tonnerre que je ressentis
en mes profondeurs
de par l'extatique vision de ta hanche,
grande comme la pleine lune d'Août
et renflée comme le ventre d'un cygne
ou comme la proue d'un antique navire grec,
et de la masse compacte et bleue
de tes seins durs comme l'acier germanique
et semblables par la forme
aux coupoles de Constantinople
et où bat ton cher,
ton beau coeur
que je rudoie comme un passionné
et que je poignarde à l'occasion
comme un serviteur et amant zélé!
Ô illustrissime comtesse de Dalmatie,
ô purissime reine du Monténégro,
ô invincible voïvodine de Serbie,
ô toute-bonne tsarine de Bulgarie,
ô auguste maîtresse de Slovénie,
ô ardente princesse de Valachie,
je te salue!
Tu es l'auréole des patrices de Byzance,
la gloire des grands-ducs de Russie,
l'aurore des comtes
du Saint Empire Romain d'Orient,
ô abbesse du couvent de la Sainte-Pureté,
ô Matriarche de la Sainte-Sagesse,
ma petite,
ma toute tendre
chartreuse de Parme!
Ô lubrique grandeur,
ô paradisiaque majesté,
ô luxure mystique,
ô lascive iconodoulie,
ô sublime ignominie,
ô céleste anabase,
ô sainte coprolalie,
ô biblique liberté,
ô babylonienne symphonie,
ô sumérienne nonchalance
du gai savoir,
ô divine frivolité,
ô venteuse débauche
des tissus et des couleurs,
ô Révélation par la dissolution des moeurs,
ô apostasie des religieuses
les plus ferventes,
converties au culte païen de Cypris,
ô consumation par le désir,
ô damnation par le plaisir,
ô perdition et châtiment
des ascètes les plus généreux,
ô défaite à plate couture des hagiographes,
ô apothéose des hymnographes
et joie et allégresse pérennes
de tous les chantres
de l'édénique loisir
et de l'union voluptueuse!
Ô la plus haute
d'entre les comtesses de Corfou,
tu es le sésame
qui ouvre la Porte de l'Azur mallarméen
et tu es le mot-talisman
qui, dès qu'il est prononcé
par nos lèvres impatientes,
déclenche tous les orages de beauté
qui s'abattent sur l'Europe
jamais rassasiée!
Tu es la princesse roumia
dont rêvent tous les jeunes émirs,
puisque tu es à la fois
une Déesse crétoise, rhodienne et chypriote,
et aussi une terrible guerrière
franque et grecque,
chrétienne et orientale,
romaine et asiate,
italienne et égéenne!
Or, guidé par l'extraordinaire Erotique
que respire ton corps,
tendu comme la corde d'un arc scythe,
et qui domine ton esprit,
j'ai été plus loin que Stéphane Mallarmé,
puisque j'ai franchi l'Azur,
dont l'existence pressentait
ce maître à penser, à aimer et à vivre,
et que maintenant,
me trouvant sur l'autre rive
de l'Océan bleu
qui encercle les Continents,
je puis m'exclamer
comme il suit:
«Le Poète n'est plus las,
il est vivant comme au premier matin du monde,
grâce à l'Universelle
Dame de ses pensées!»
LE YATAGAN DE LA LUNE
RECUEIL INEDIT. JANVIER 2006