Amande ou la Rencontre de Deux Rêves


Par une nuit attique
chargée de parfums d’oeillets,
j’ai vu en songe,
avec les yeux de l’âme,
la très belle au port de lune,
aux yeux de gazelle,
et dont les prunelles vous blessent
comme des sabres d’Ispahan,
aux joues tendres comme des géraniums blancs,
à la taille fine comme un cheveu,
un de ses cheveux
délicieux comme un fil de soie,
à la croupe large comme un baldaquin
de lit impérial,
et, enfin, au coeur
pareil à un flacon de senteur scellé,
un flacon dont nul auparavant
n’a respiré le parfum!


Et moi, dont l’âme est un océan
et dont la félicité égale
celle de Khosroès Anouchirwan,
je suis devenu, au lendemain de ce rêve,
ivre sans vin
et ivrogne sans absinthe!


Et je me suis mis à errer
par les rues de Céphisie ombragées de platanes,
à m’allonger dans les jardins
sous les berceaux de vigne
et à jouer des airs de flûte
au milieu du silence de la campagne!


J’ai appris par la suite
que celle dont je m’étais enamouré
existait bel et bien
et était même une fille de Roi,
vierge comme le premier jour
du monde
et répondant au nom d’Amande!


Et, aussitôt, un hymne s’est élevé
de mon sein, jusque là resté sans blessure,
oui, une ode semblable à une offrande
de remerciement à la Déesse de la Beauté!


Or, j’au vu Amande
avec, cette fois, les yeux du corps!


Et elle était bien plus belle
que dans mon rêve,
puisque, elle aussi,
m’avait vu en rêve
et s’était enamourée de moi!


PORT DE LUNE

RECUEIL INEDIT. DU30AVRIL AU 8 MAI 2008