Portrait de la Bien-Aimée


Tu es menue comme une micocoule,
brune comme une rose
accablée de chants de rossignols,
recueillie et grave
comme la plume d'oie d'un auteur ancien,
large comme un cruchon d'encre,
embaumée de serpolet, de romarin
et de lavande,
pure comme la Béatrice de Dante Alighiéri,
printanière comme la Laure de Pétrarque,
gaie comme une rue tapissée de draps de lit
en signe de réjouissance festivale,
chaude et hospitalière
comme une litière de brebis,
érotique comme une meule de paille
ou qu'un tas de foin
servant aux ébats des amoureux
pendant l'été brûlant
où nous nous roulons dans le thym
des montagnettes de l'Attique
ou dans les melonnières
des plaines du Péloponnèse
et où nous conversons
à l'ombre odorante
des citronniers de l'Argolide
et rêvons ensemble
aux séraphins entrelacés dans les Cieux,
entre la Sainte Vierge Aphrodite
et Son Fils,
le Christ-Eros!


Tu es ma Triple Bien-Aimée,
lumineuse comme la cassette,
pleine d'or, de Gaspard,
parfumée comme l'encensoir de Melchior
et aspergeante comme le vase à myrrhe
de Balthazar!


Oui, tu es la fille des Rois
et le Soleil levant,
illuminant les statues des Pharaons
à Abou Simbel,
en Nubie la Sage!


Feuillue comme un lierre
enroulé autour de la vigne
de mon sexe,
tu t'enchantes à la fois
de ma voix claire et sonore d'aède
et de ta chevelure châtaine
que tu dores au soleil d'été
qui de plus en plus te plaît,
à mesure que tu m'aimes
plus follement
que n'aima Chryséis Achille
et Vénus Anchise!


C'est que tu as de bien grands yeux
comme sur les portraitures du Fayoum
et noirs comme le charbon
des mines du Laurion!


Et tu partages sans doute
avec les charbonniers émérites
la même naïve foi
toute en arômes et en clartés!


LE YATAGAN DE LA LUNE

RECUEIL INEDIT. JANVIER 2006