L’Amour Libératrice


Au même titre que les baisers,
à la fois fulgurants et doux,
les griffures et les morsures sulfureuses
et les caresses pénétrantes et suaves
l’art de la versification
et le chant inspiré
par la science musicale des Indes
font partie intégrante
d’une vie amoureuse,
un tant soit peu raffinée!


Dans le cas contraire,
rien ne permet de distinguer
l’érotisme de l’homme et de la femme,
de celui des fauves,
mâles et femelles!


Au sein d’une culture grande
et fière de son excellence
dans tous les domaines
sans exception,
un amant ou une amante doivent,
chacun de son côté
et selon son propre génie,
masculin ou féminin,
pouvoir jouer sur la flûte, la harpe
ou la cithare,
des airs savants!


En effet, que vaut un amoureux
qui ne sait pas réciter un poème,
quand se lève la brise de Mai
sur les mangueraies sensuelles,
sur les voluptueux jardins de bambous
ou sur les roseraies parfumées,
oui, que vaut un amoureux
qui ne sait pas réciter à sa maîtresse
le Gita Govinda de Yayadeva
ou les amoureux poèmes d’Amarou?


En plus, un couple d’amants
doit pouvoir regarder avec tendresse
une fleur qui s’épanouit
presque par surprise,
ou embrasser une petite chatte angora
sur ses yeux veloutés,
merveilleusement verts et dorés,
ou contempler les petits nuages blancs
ou la nage des cygnes blancs
ou le vol d’une grue blanche,
mais aussi le vol d’un paon
ou d’une paonne
et, enfin, écouter le roucoulement
d’une pigeonne
cachée dans le feuillage
d’un figuier indien!


Or, l’amant ou la maîtresse
qui ne savent pas regarder
avec amour et vénération
un poète à la démarche hésitante
et en apparence malhabile
ou un anachorète qui vit dans une cabane
de la forêt,
ne valent pas ce si doux nom
d’amants
et sont des rustres qui s’ignorent,
même s’ils sont honorablement connus
ou descendent
d’une lignée princière!


C’est que l’érotisme bien compris,
n’est pas seulement et exclusivement,
l’assouvissement d’un merveilleux désir
et le plus amusant des divertissements,
mais aussi l’instrument,
l’outil nécessaire
de la réalisation spirituelle!


Oui, l’amour est une voie
qui mène inexorablement
et sans difficulté aucune
à la libération salutaire,
hors des chaînes de ce monde!


Oui, l’amour, c’est la liberté
pour les libertins
comme pour les sages,
pour les profanes
comme pour les initiés,
pour les laïcs
comme pour les mystiques!


Et quand on me demande
comment on obtient
le salut de l’âme,
ma réponse, toujours la même,
ne varie guère
d’un interlocuteur à l’autre,
et c’est «Aimez!»


JARDINS DE BAMBOUS

RECUEIL INEDIT. DU 19 AU 24 MAI 2008